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« Au travail, j’entends parfois : “Tu n’es pas comme eux”, sous-entendu comme les jeunes de banlieue qui font des conneries »

La première fois que je comprends qu’on ne me laissera pas facilement choisir mon orientation à cause de ma couleur de peau, je suis au collège, en 3e. Je viens d’obtenir mon brevet avec la note de 12/20. Rien d’extraordinaire mais c’est suffisant pour me permettre d’aller en seconde générale comme je le souhaite.

En tout cas, en théorie, car je déchante vite quand je rencontre le CPE : lui veut me pousser vers un métier manuel, du genre mécanique. J’écris alors au directeur du collège pour plaider ma cause et comme je suis bon en foot, il accepte de me faire passer en seconde générale option sport-études. A ce moment-là, je comprends qu’il va falloir me battre pour rester sur la voie que je me suis fixée.

Je suis arrivé en France en 2003, depuis la République démocratique du Congo, avec ma mère et mes trois frères et sœurs. Nous sommes partis de Kinshasa du jour au lendemain à cause de la situation politique. J’ai alors 11 ans. En situation irrégulière, nous vivons d’abord à Paris dans un hôtel du 9e arrondissement – le Paris-Opéra, dont l’incendie en 2005 fera vingt-quatre morts, dont onze enfants –, le temps de faire les démarches.

Puis nous sommes envoyés dans un centre d’hébergement à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques) avant d’être régularisés en 2010. J’ai la chance d’être intégré en Segpa. Ce sont des classes spéciales pour les élèves de collège en difficulté, notamment les étrangers qui doivent apprendre le français. Le foot m’aide aussi beaucoup à me faire des amis.

« Racisme ordinaire »

On vit en HLM, dans une ZUP. Il n’y a pas beaucoup de mixité sociale, on est « entre nous », c’est-à-dire entre immigrés. Ma mère travaille comme femme de ménage. Dans le quartier, j’essaie d’éviter les mauvaises fréquentations. C’est parfois tendu avec la police : on traîne entre jeunes et on se fait souvent contrôler, sans raison. On est ados, ça nous donne un sentiment de révolte. Au lycée, je redouble ma seconde, je pense même arrêter l’école mais je ne veux pas décevoir ma mère, alors je m’accroche.

A l’époque je suis un élève moyen, ni excellent ni mauvais. En revanche, je veux vraiment m’en sortir, c’est peut-être ça qui fait la différence. Je travaille beaucoup. En terminale, je trouve un job étudiant dans une grande chaîne de fast-food. C’est un déclic, je me dis : « Si tu n’as pas au moins un bac +2, tu vas terminer là ». J’obtiens mon bac avec une mention assez bien, ensuite je m’inscris en DUT techniques de commercialisation à Orléans.

Il faut que je trouve un stage de deux semaines mais je n’ai pas de réseau. Je finis par déposer une demande dans une banque à Châteauroux. Je ne connais personne dans cette agence mais c’est juste à côté du centre d’entraînement de foot, je passe devant très souvent alors je tente. Et ça marche ! Trois jours après avoir déposé mon CV, je reçois une réponse positive. Pourquoi m’ont-ils pris ? C’est une question que je me suis toujours posée…

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