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Le chant d’amour de la mouche du vinaigre enfin décodé

Une mouche du vinaigre (« Drosophila melanogaster »).

Ce n’est un secret pour personne : la drosophile est une princesse du laboratoire. Pour les généticiens, elle a longtemps constitué – et constitue souvent encore – le modèle animal par excellence. Une période de génération d’une douzaine de jours et des œufs par centaines, une grande simplicité d’élevage, un petit nombre de chromosomes (4) en font un terrain idéal pour traquer les mécanismes de l’hérédité. Ce qui a valu, dès 1933 à Thomas Morgan et à ses mouches du vinaigre un premier prix Nobel. Le biologiste américain s’arrêta là, l’insecte en collectionna quelques autres : notamment sur les mutations induites par les rayons X (1955), sur les mécanismes de contrôle du développement embryonnaire précoce (1995), sur l’immunité innée (2011) ou encore sur le fonctionnement des horloges biologiques (2017).

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Mais cette omniprésence rend-elle véritablement justice à sa majesté la mouche ? Est-ce sa vie propre, son regard sur le monde, les particularités de son comportement qui nous fascinent ou au contraire ce qu’elle peut avoir de commun avec nous ? Poser la question revient à y répondre. Comme la souris, comme le poisson zèbre, comme le ver C. elegans, Drosophila melanogaster est avant toute chose un « modèle » aussi précieux qu’il nous est finalement proche.

L’insecte cache pourtant une richesse de comportements pour le moins inattendue. Qui sait qu’en cas de grand silence, lorsque l’on pense entendre les mouches voler, comme le prétend l’expression, celles-ci chantent, en vérité, parfois ? Dans un article paru le 11 octobre, dans la revue Nature, l’équipe de Mala Murthy, à l’université Princeton, vient en effet de décoder les différents régimes de sérénades que les mâles délivrent à leurs belles à l’heure de l’amour.

Pour être tout à fait honnête, une partie de ce scoop date de 1970. Dans un article paru dans Scientific American, les Britanniques Arthur Ewing et Henry Bennet-Clark annonçaient alors au monde scientifique stupéfait que ces minuscules mâles d’à peine 3 mm jouaient les Roméo pour séduire leur Juliette en faisant vibrer une de leurs ailes. Du reste, il suffisait que l’on coupât les ailes de l’amoureux pour lui interdire tout succès.

Un dialogue de sons et de gestes

Au fil des ans, les biologistes se muèrent en musicologues et finirent par constater que la sérénade cachait en réalité deux régimes bien différents. Un son pulsé, assez simple et largement dominant, émis en rafales de 2 à 12 unités, séparées par un silence, mais aussi un chant dit sinusoïdal, plus complexe et d’une plus haute fréquence. Un chant qui cache en réalité une conversation, souligne Mala Murthy, directrice de l’Institut de neuroscience de Princeton. « C’est un échange, avec des allers et retours. Il chante, elle ralentit, se tourne vers lui, il chante encore. Il prend constamment en compte son comportement à elle pour décider ce qu’il doit chanter. Un véritable échange d’informations. Contrairement aux oiseaux, qui claironnent depuis leur perchoir, il adapte tout ce qu’il fait à ses réponses. »

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