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La revue « Esprit » s’emploie à « chasser le flou » installé autour de l’idéologie de l’extrême droite

La revue des revues. « Repolitiser la question de l’extrême droite », telle est l’ambition de la revue Esprit dans son numéro d’octobre. Profitant du contexte créé par une présumée fin des idéologies, cette mouvance a su se banaliser.

La mémoire chancelante des événements qui ensanglantèrent le XXe siècle et les nouveaux canaux d’expression offerts par le Web lui ont facilité les choses, notent Anne-Lorraine Bujon, directrice de la rédaction, et Michaël Fœssel, philosophe, en introduction au dossier « Nommer l’extrême droite » (Esprit, octobre 2023, 158 pages, 20 euros). Pour chasser le flou qui s’est installé, il nous revient de rester attentifs à ce que cette droite la plus dure n’a jamais cessé d’être.

Michaël Fœssel, qui, dans son ouvrage Récidive. 1938 (PUF, 2021), faisait déjà le constat que nous n’en avions pas tout à fait fini avec la modernité autoritaire, remarque ici que convoquer la mémoire pour combattre l’extrême droite est désormais déconsidéré, et ce depuis vingt ans.

Emmanuel Macron en a donné un exemple en mai, en désavouant les propos tenus par la première ministre, Elisabeth Borne, qui avait rappelé que le Rassemblement national (RN) était « le parti héritier de Pétain ». Le président avait alors déclaré que « le combat contre l’extrême droite ne passe plus par des arguments moraux ».

L’inégalité et la violence

Certes, concède Michaël Fœssel, il a pu y avoir des « abus de mémoire dans le débat public ». Mais « la substance de ce mouvement [le RN] est et demeure la préférence nationale, autrement dit l’installation d’une inégalité originaire. Partout où une inégalité de ce genre a été mise en œuvre, elle s’est imposée par la violence ». L’oublier ou l’occulter ne font que répandre la confusion.

Journaliste à Libération, Nicolas Massol, qui contribue également au numéro, souligne à quel point la stratégie de dédiabolisation du RN a installé l’ambiguïté jusque dans ses rangs. « Imprégnés d’une idéologie qu’ils n’ont plus le droit d’assumer ouvertement, les militants du RN appartiennent aujourd’hui à un parti sans véritable culture commune. »

Si certaines traditions ont été délaissées, comme le défilé du 1er-Mai sous la statue de Jeanne d’Arc, le parti reste fidèle à son histoire. Des membres de la direction continuent de vouer un culte à Dominique Venner (1935-2013), le père de l’extrême droite d’après-guerre, même s’ils font preuve de discrétion à ce sujet.

De manière plus générale, le parti recrute toujours des éléments venus de différentes organisations d’extrême droite, comme le Groupe union défense (GUD). L’antisémitisme n’a pas non plus disparu. Sur un mur des locaux du RN, se trouve toujours une formule de Jacques Doriot (1898-1945), collaborationniste : « Le parti ne te doit rien, tu dois tout au parti. » En interne, le RN cultive donc sa propre histoire. Pourquoi se priverait-on de la rappeler au public ?

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