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Pourquoi le débat public-privé crispe-t-il autant les parents ?

Ce billet est extrait de la newsletter hebdomadaire « Darons Daronnes » sur la parentalité, envoyée tous les mercredis à 18 heures. Pour la recevoir, vous pouvez vous inscrire gratuitement ici.

Ça m’a prise par surprise, un jour ordinaire, lorsque mon fils était encore à la crèche. Les pieds dans les surchaussures, un parent d’un petit camarade m’a dit : « Nous, l’année prochaine, pour la maternelle, on va mettre Gudulon à Sainte-Bidulette ! L’école de secteur, je ne la sens pas trop, tu vois. Et puis tous ses copains font comme nous. » Oh là là, la colère ! La colère dans laquelle ça m’a mise ! Une rage folle, totalement disproportionnée. J’ai rétorqué, du ton le plus froid que je pouvais : « Non, nous, il ira à l’école de secteur. Ses sœurs y sont déjà, elle est géniale, les profs sont super, il y a moins de quinze enfants par classe alors qu’à Sainte-Bidulette ils sont trente-deux. » Je suis rentrée en grommelant toute seule dans la rue, avec mon inexplicable et injuste colère – injuste, car d’où me venait ce soudain magistère moral ?

D’abord, un peu de contexte : j’habite à Paris, dans un quartier mélangé, en voie de gentrification aiguë, à laquelle je participe allègrement. En raison du découpage de la carte scolaire, l’école de secteur accueille principalement des enfants des cités HLM alentour. Ce qui suffit à lui donner une relative mauvaise réputation. Dans la rue d’à côté, Sainte-Bidulette, qui recrute loin – certains parents déposent leurs enfants en voiture. Et, au bout de la rue, à 200 mètres, une autre école de secteur, qui a meilleure réputation que la nôtre. Tous les matins, je marche à contre-courant des parents qui me « ressemblent » (entendez, les Blancs) pour rejoindre l’école « Benetton » de mes enfants.

J’ai réfléchi. Pourquoi les gens qui choisissent d’éviter « mon » école soit en rusant sur la carte scolaire, soit en optant pour le privé, m’énervent-ils à ce point ? Pour me calmer, j’ai d’abord appelé la sociologue de l’éducation Agnès van Zanten. Elle a immédiatement replacé les choses dans leur cadre : ces crispations surviennent surtout dans un certain milieu. Grosso modo, les catégories intermédiaires et supérieures, où la question de l’évitement se pose. Souvent, les parents exerçant des professions intellectuelles auront moins tendance à fuir d’emblée l’établissement de quartier que les parents de même catégorie socioprofessionnelle ayant un capital économique (cadres du privé, par exemple), comme elle l’a analysé dans un article paru en 2009, dans la revue Actes de la recherche en sciences sociales (Seuil).

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