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« A Paris, comme dans les autres villes concernées, la glorification du maréchal Bugeaud n’a que trop duré »

Le 5 septembre 1853, il y a cent soixante-dix ans, avec le soutien de Louis-Napoléon Bonaparte qui, après avoir abattu la Seconde République, a proclamé l’Empire, les autorités de Périgueux ont inauguré, en présence de 30 000 personnes rassemblées en cette occasion, la statue du maréchal Bugeaud. Comme on peut encore le lire sur le piédestal, il est honoré en tant que « grand homme de guerre » qui s’est notamment illustré au cours de la « pacification » et de la « colonisation » de l’Algérie.

A dessein apologétiques et abstraits, ces termes recouvrent de terribles réalités constitutives d’une guerre totale, conçue et appliquée par celui qui, depuis 1840, est gouverneur général de cette colonie. Fondée sur la disparition de deux distinctions majeures propres aux conflits dits conventionnels, celle entre champs de bataille et sanctuaires, destinée à limiter autant que possible l’extension des violences, et celle entre combattants et civils, établie pour protéger ces derniers, cette guerre a été particulièrement destructrice et meurtrière.

Aux oasis, villages et agglomérations diverses anéanties en tout ou partie s’ajoutent massacres, torture, déjà, déportations en masse des populations autochtones également soumises à des « enfumades », au cours desquelles des tribus entières ont été parfois exterminées. Celle des Ouled Riah, par exemple, dont les membres désarmés, hommes, femmes et enfants, s’étaient réfugiés dans les grottes du Dahra, proches de Mostaganem. Bilan : sept cents morts, au moins, à la suite de l’opération conduite, le 18 juin 1845, par le colonel Pélissier, qui a scrupuleusement appliqué les ordres de Bugeaud.

Un ennemi redoutable de la République

Autant de pratiques jugées indispensables au succès de la colonisation, qui ne peut prospérer que si la sécurité des Français et des Européens, et de leurs biens, est durablement assurée. Bugeaud n’a pas été seulement le bourreau des « indigènes » algériens qu’il a soumis aux méthodes que l’on sait, depuis longtemps connues et désormais parfaitement documentées. Devenu maréchal de France en 1843, il fut aussi un ennemi redoutable de la République qu’il haïssait.

Nommé, par Louis-Philippe, commandant des troupes de ligne et de la garde nationale aux premières heures de la révolution de février 1848, il déclare crânement : « Eussé-je devant moi cinquante mille femmes et enfants, je mitraillerais. Il y aura de belles choses d’ici à demain matin. » Lumineuses paroles prononcées par celui qui affirmait peu avant qu’il n’avait « jamais été battu » et que si on lui laissait « tirer le canon », l’ordre serait rétabli et les « factieux » vaincus.

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