Close

« Où vont les larmes quand elles sèchent » : la chronique de Baptiste Beaulieu, médecin au bord des larmes

Baptiste Beaulieu, en juin 2023.

C’est un médecin généraliste qui, comme tant d’autres, a sa salle d’attente qui déborde, et de très longues journées, entre consultations au cabinet et visites à domicile. Comme tant d’autres, il écoute, console et soigne des patients de tous âges, atteints de maladies aiguës ou chroniques, bénignes ou mortelles. Mais la façon dont le docteur Jean B les dépeint est, elle, singulière.

Largement inspiré de son quotidien de généraliste dans le Sud-Ouest, le dernier livre du médecin et écrivain Baptiste Beaulieu (son nom de plume), Où vont les larmes quand elles sèchent (L’Iconoclaste), est classé dans la catégorie des romans. Peut-être parce que, comme souvent avec ce jeune auteur, on n’est pas bien loin du conte.

Dans la galerie baroque des portraits de sa patientèle, on croise M. Soares, « un bonhomme qui n’est plus étanche. Il saigne tout le temps », mais qui, malgré la maladie et le décès de son épouse, essaie d’être heureux. Médecin autant que confident, le docteur Jean B va le voir à domicile et l’appelle Alvaro, « parce qu’il n’a plus personne pour l’appeler par son prénom ». Il y a aussi Josette, une attachante féministe de 66 ans chez qui il va découvrir un cancer. Et bien d’autres, toxicomanes, femmes usées par la vie, victimes de violences… Confronté à leurs souffrances intimes, le médecin les accompagne avec empathie, mais lui-même a perdu ses larmes, après la mort tragique d’un enfant alors qu’il était étudiant à l’hôpital.

Un regard tendre mais lucide

Révélé il y a dix ans avec Alors voilà. Les 1 001 Vies des urgences (Fayard), récit romanesque issu du blog où, jeune interne aux urgences, il avait entrepris avec humour et sensibilité de réconcilier soignants et soignés, Baptiste Beaulieu n’a rien perdu de sa plume ni de son regard tendre mais lucide sur les patients et ceux qui les soignent.

A 38 ans, il est loin d’être blasé. « Les gens sont souvent passionnants, leur histoire est précieuse, car il n’y en a jamais une pour ressembler à l’autre », écrit-il. Et le médecin de terrain qu’il est garde toujours un engagement sans faille pour soutenir la cause des plus vulnérables, des minorités et, surtout, des femmes. Quitte à se faire provocant. « On ne peut pas soigner trente patients par jour dont 60 % de femmes sans être violemment ébranlé par la prise de conscience insupportable de cette montagne de privilèges qui nous échoit parce qu’on a des testicules et un pénis », souligne-t-il.

Comme bien d’autres soignants, Baptiste Beaulieu regrette que les humanités aient si peu de place dans la formation des médecins. « Je ne sais pas comment consoler les gens, avoue-t-il dans son livre. On ne nous l’apprend pas à la fac. On nous assomme d’heures de cours sur d’obscurs syndromes extrêmement rares, mais consoler les gens, niet. Sur douze années d’études, soixante minutes sont consacrées au seul cours magistral intitulé “consultation et annonce d’une maladie grave”. »

Il vous reste 13.11% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

source

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 Comments
scroll to top