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Une exceptionnelle tempête solaire vieille de 14 300 ans trahie par des souches d’arbre

Etude des niveaux de radiocarbone dans des arbres anciens situés sur les rives érodées du Drouzet, près de Gap (Hautes-Alpes).

Les arbres tiennent la chronique du passé. Et les chercheurs peuvent la lire de deux manières. La première, connue sous le nom de « dendrochronologie », consiste à compter et à étudier les cernes, ces anneaux de bois qui se forment chaque année à la périphérie de l’arbre. On peut ainsi admirer, dans la galerie de botanique du Muséum national d’histoire naturelle, à Paris, la coupe d’un séquoia géant vieux de quelque deux mille ans, sur laquelle des étiquettes remontent le temps jusqu’à la naissance du Christ.

La seconde façon de parcourir le passé à travers le bois s’appuie sur le carbone 14 présent dans chaque anneau. C’est en combinant les deux méthodes sur des restes d’arbres très anciens qu’une équipe franco-britannique vient de faire une étonnante découverte, publiée le 9 octobre dans la revue Philosophical Transactions of the Royal Society A : une exceptionnelle tempête solaire, indétectée jusqu’alors, s’est produite il y a 14 300 ans.

Pour comprendre le lien entre des souches terrestres plurimillénaires et les coups de sang de notre étoile, située à 150 millions de kilomètres, il faut se plonger dans le carbone 14. Cet isotope radioactif du carbone est présent de manière à peu près stable dans l’atmosphère : en effet, sa désintégration progressive (qui explique pourquoi on ne peut s’en servir pour dater les objets archéologiques au-delà de 55 000 ans) est en permanence compensée par la formation de nouveaux atomes, grâce aux rayons cosmiques qui atteignent la Terre constamment. Au terme d’une cascade de réactions, des atomes d’azote voient un neutron prendre la place d’un proton dans leur noyau, ce qui les transmute en atomes de carbone 14.

Une quantité de matière éjectée colossale

Voilà pour le quotidien du 14C, comme l’écrivent les spécialistes de la physique atomique. Il arrive cependant que le Soleil entre dans la danse. Lors d’une de ses bouffées – éruption, éjection de masse coronale –, des myriades de particules électriquement chargées sont propulsées dans l’espace. En atteignant la Terre, elles forment dans l’atmosphère un surplus de carbone 14. Et si la quantité de matière éjectée est colossale, il se peut que ce 14C surnuméraire soit si abondant qu’on le détecte dans le bois. Un phénomène mis en évidence en 2012 par la chercheuse nippone Fusa Miyake, qui, en étudiant des cèdres japonais, a découvert un pic de carbone 14 pour l’année 774, attribué à un événement solaire.

L’histoire se répète aujourd’hui, mais avec des pins sylvestres incomparablement plus vieux, puisqu’ils sont même qualifiés d’« arbres subfossiles ». Comme le précise Edouard Bard, professeur au Collège de France et premier auteur de l’étude parue dans Philosophical Transactions of the Royal Society A : « On les appelle “subfossiles” parce que, sans être de la roche, ils ont commencé une petite transformation. » Pour l’étude, le Centre européen de recherche et d’enseignement en géosciences de l’environnement, où officie Edouard Bard, s’est appuyé sur la collecte de ces souches, que mène depuis un quart de siècle, dans le sud des Alpes, entre Grenoble et Sisteron, l’Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale. Enfouis dans d’épaisses alluvions du Drouzet, une rivière locale, 172 arbres subfossiles ont été récupérés et étudiés.

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