Close

« Jeanne. Par Jeanne Moreau » : l’autoportrait d’une icône

Jeanne Moreau, dans « Ascenseur pour l’échafaud », de Louis Malle (1958).

« Jeanne. Par Jeanne Moreau », textes choisis et présentés par Jean-Claude Bonnet, préface de Rebecca Marder, Gallimard, 304 p., 39 €.

Un demi-siècle. Tel est le temps qu’a demandé ce livre exceptionnel pour voir le jour. Commencé vers 1973, abandonné, repris, annoncé, prévendu dans le monde entier, lâché de nouveau, brûlé en grande partie, il arrive à présent en librairie sous un titre sobre : Jeanne. Le sous-titre fait toute la différence : Par Jeanne Moreau. Bien des ouvrages ont déjà été consacrés à l’icône de la Nouvelle Vague (1928-2017), mais jamais « Jeanne » elle-même n’avait osé publier quoi que ce soit. Il a fallu sa mort, puis l’opiniâtreté d’une poignée de fidèles, pour que naisse enfin ce volume. Le premier signé Jeanne Moreau.

Ce n’est pas l’envie d’écrire qui manquait à l’actrice d’Ascenseur pour l’échafaud (Louis Malle, 1958) et de Jules et Jim (François Truffaut, 1962). Au début des années 1970, elle est même saisie par une profonde volonté de se raconter. « Après plus de vingt ans de théâtre et de cinéma, elle est soudain moins sollicitée, et souhaite ne plus dépendre du regard des autres, elle veut reprendre la maîtrise de son histoire », rapporte Robert Guillaumond, qui fut son avocat, son ami, et préside désormais le Fonds Jeanne-Moreau pour le théâtre, le cinéma et l’enfance.

Après le disque et le film

Elle écrit d’abord des chansons, qu’elle interprète dans un disque au titre explicite : Jeanne chante Jeanne (1970). Puis elle commence à rédiger des souvenirs d’enfance et d’adolescence. Le tempo autobiographique s’accélère en 1975. Alors que son père vient de mourir, elle multiplie les discussions avec la romancière Henriette Jelinek (1923-2007).

Il en sort un scénario, L’Adolescente, cosigné par les deux femmes et réalisé par Jeanne Moreau en 1979, ainsi que des centaines de pages d’entretien. « Comment fabrique-t-on Jeanne Moreau ? Comment une famille où personne n’a jamais mis le pied au théâtre ni au cinéma donne-t-elle une actrice comme elle ? C’est cette question qui intéressait Jeanne », explique Robert Guillaumond. Après le disque et le film, un livre se dessine. Un contrat est signé avec Grasset en 1976. Il prévoit un à-valoir de 100 000 francs (70 000 euros actuels) pour l’artiste, qui doit recevoir l’aide de l’écrivaine et journaliste Catherine David (1949-2023). Des confidences sont enregistrées et retranscrites. De nouveaux textes grossissent deux dossiers intitulés « Mon livre » et « Autobiographie ». Mais Jeanne Moreau demande plus de temps. Tout dire n’est pas aisé. « Comment arriver à faire ce que j’essaie de faire pour écrire ce livre, c’est-à-dire exprimer ses secrets, surtout quand on ne sait pas à quoi ils vont vous mener ? », s’interroge-t-elle dans un de ces textes.

Il vous reste 65.61% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

source

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 Comments
scroll to top