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Dans le massif de la Chartreuse, mobilisation contre la « privatisation » de la montagne

« Chemin privé – Passage interdit. » Tous les 500 mètres, le rouge vif des petits panneaux tranche sur le vert des arbres ou le gris de la roche. Les indications parsèment le chemin qui mène jusqu’à la tour Percée, une immense arche rocheuse émergeant à environ 1 800 mètres d’altitude, au cœur de la réserve naturelle des Hauts de Chartreuse, à quelques kilomètres de Grenoble (Isère). Ces panneaux, tout récemment posés, cristallisent depuis quelques semaines un conflit entre les différents usagers de la montagne… et ses propriétaires.

Les quatre premiers des huit panneaux que les randonneurs rencontrent sur le chemin de la tour Percée, dans le massif de la Chartreuse (Isère), le 8 octobre 2023.

Car la tour Percée, prisée des amateurs de beaux paysages, se situe sur un terrain appartenant au marquis Bruno de Quinsonas-Oudinot, héritier d’une famille de la noblesse dauphinoise. Si ces panneaux divisent, c’est qu’une loi du 2 février 2023 sanctionne désormais pénalement le fait de pénétrer sans autorisation dans une « propriété privée rurale et forestière », l’objectif étant de dissuader les propriétaires de poser des grillages autour de leurs terrains, afin de laisser circuler la faune. A condition que le « caractère privé du lieu » soit « matérialisé physiquement », précise un nouvel article du code pénal, à l’instar des panneaux posés par le marquis. Théoriquement, un randonneur qui se rendrait à la tour Percée pourrait donc désormais recevoir une amende allant jusqu’à 750 euros.

Une aberration, selon les auteurs d’une pétition en ligne, qui a réuni en quelques semaines 35 000 signatures, et qui appellent à manifester, dimanche 15 octobre, à l’entrée du terrain du marquis. « Privatiser la montagne, c’est aberrant », s’étonnent Dorian Naaji et Thibaut Delplanque, deux Lyonnais de 25 ans venus en un dimanche ensoleillé initier leur ami Hamza Mourik, 27 ans, au fameux spot de la tour Percée. Les panneaux qu’ils croisent sur leur chemin ? « On n’y fait pas gaffe », reconnaissent les trois amis. En montagne, la tolérance historique autour du partage de ces grands espaces naturels semblait valider la pensée populaire selon laquelle la montagne « appartient » à tout le monde.

Parties de chasse privées

Pourtant, au même titre que les forêts, de nombreuses zones de montagne, dont certaines très fréquentées, s’avèrent être des terrains privés. Ils peuvent parfois être traversés par toutes sortes de sentiers de randonnée, conventionnés avec l’accord du propriétaire et inscrits au plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée, garantissant ainsi leur accès aux usagers. En Isère, 10 % à 15 % des chemins sont concernés, selon la section locale de la Fédération française de la randonnée pédestre (FFRandonnée). En dehors de ces sentiers conventionnés, c’est le flou juridique. « Il existe une présomption de tolérance de passage de la part du propriétaire, mais cette tolérance de passage ne saurait conférer un droit », rappelle la FFRandonnée Isère.

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