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« Tout laisse penser que nos mythes sur la mort et l’au-delà sont les héritiers des croyances des “Homo sapiens” »

Dans une grotte paléolithique représentant un homme mystérieux avec un taureau, un oiseau, des armes et d’autres symboles.

Julien d’Huy a une arme pour défier le temps. Afin d’élucider l’énigme des mythes préhistoriques, ce docteur en histoire affilié au Laboratoire d’anthropologie sociale, qui relève du Collège de France, du CNRS et de l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), développe depuis une décennie la phylomythologie : une approche fondée sur l’étude comparative d’un grand nombre de mythes grâce à des algorithmes.

Après avoir exposé en 2020 les fondements de cette méthode dans Cosmogonies, qui vient de paraître en poche dans une version augmentée (La Découverte, 448 pages, 14 euros), Julien d’Huy est parvenu, dans son nouvel ouvrage, L’Aube des mythes (La Découverte), à esquisser la structure des mythes autour de la mort et de l’au-delà des premiers Homo sapiens.

En quoi l’émergence de rituels funéraires et de mythes liés à la mort marque-t-elle un « changement dans l’histoire du monde », comme vous l’affirmez ?

Les animaux possèdent une perception de la mort. Les éléphants, comme les chimpanzés ou les dauphins, éprouvent de la peine à la perte d’un congénère. Mais, comme l’écrivait le philosophe Alain (1868-1951), les animaux « ne font point de commémoration, ni de monuments, ni de statues »  : comme eux, nous sommes touchés par la mort, mais nous, nous la conceptualisons.

De nombreuses traces archéologiques anciennes démontrent la profondeur historique des rituels funéraires, qui témoignent d’une projection dans l’imaginaire propre à notre espèce. De ces temps reculés subsistent des traces figées, comme des tombes et des ossements – par exemple à Sima de los Huesos (le « gouffre aux ossements », en Espagne), qui permettrait de dater les premiers rituels funéraires à 430 000 ans – mais aucun texte n’a été retrouvé. Or Homo sapiens est un animal mythologique : l’omniprésence des croyances liées à une vie après la mort ainsi que la puissance des conceptions qui lui sont associées aujourd’hui laissent imaginer que celles-ci remontent à des périodes très lointaines.

a mythologie comparée, et en particulier l’approche phylomythologique que je propose, permet d’ajouter le texte à l’image en analysant grâce à des algorithmes un grand nombre de motifs mythologiques, c’est-à-dire des séquences signifiantes composant chaque mythe et formant une unité permettant de les comparer et de les relier aux migrations des groupes humains dont ils sont issus.

En quoi votre approche permet-elle d’avancer dans l’élucidation des premiers mythes de l’au-delà ?

A partir d’une base de données et grâce aux outils de l’informatique, la phylomythologie retrace la route d’un récit en se fondant sur une règle simple : plus deux traditions mythologiques se ressemblent et plus on peut en déduire que leur ancêtre commun est récent. Si ensuite une troisième tradition se rapproche fortement des deux autres – sans être aussi proche –, il y a fort à parier qu’il s’agit d’une variation qui indique une origine commune plus ancienne.

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