Close

Le grand voyage des syrphes migrateurs

Un syrphe ceinturé (« Episyrphus balteatus ») en vol stationnaire devant un coquelicot, en Lorraine, en juin 2017.

Le syrphe ceinturé est une petite mouche orange et noire de 2 centimètres tout au plus. On le croise couramment en vol stationnaire au-dessus des fleurs de nos parcs et jardins. On soupçonne moins que ce frêle butineur a pu parcourir des milliers de kilomètres avant d’arriver sous nos yeux. Car, comme nombre de mouches, papillons, libellules ou autres insectes, ce syrphe se lance chaque année dans une longue migration à travers les continents.

La migration des insectes est un phénomène aussi massif que méconnu. Difficile en effet d’observer et de suivre ces voyageurs minuscules. Dans un article de 1951, deux ornithologues, David et Elizabeth Lack, venus étudier la migration des oiseaux au col du Boucharo (Hautes-Pyrénées), s’étonnent de voir d’innombrables insectes franchir le même passage, et notamment des syrphes, « particulièrement abondants ».

S’inspirant de leur découverte, William Hawkes, un jeune chercheur de l’université britannique d’Exeter (aujourd’hui à la Station ornithologique suisse), a entrepris de revenir sur le même col sept décennies plus tard, et d’y recenser tous les insectes migrateurs le traversant. Il est rapidement surpris par leur nombre et leur diversité. Certains jours, il y passe quelque 3 000 syrphes par mètre et par minute. L’air est empli de « flocons » d’insectes volants, et le sol grouille comme un « tapis vivant », décrit le scientifique. Dans une autre étude effectuée à Chypre, publiée en 2022 dans la revue Ecography, M. Hawkes et ses collègues ont compté en un mois quelque 39 millions d’insectes volants diurnes parvenant sur l’île méditerranéenne, escale entre le Moyen-Orient et l’Europe – dont 86 % de mouches et 10 % de papillons.

Boussole solaire

Pour le syrphe ceinturé, le voyage commence en ce début d’automne, en Europe du Nord. Dès la fin de l’été, il détecte, au stade larvaire, un changement de température et de durée du jour, signe qu’il faut mettre les voiles. Il prend bientôt son envol vers l’Allemagne, la France, jusqu’à la péninsule Ibérique, et sans doute au-delà pour certains, qui traverseraient la Méditerranée et le Sahara jusqu’au Sahel. D’autres insectes parcourent des distances plus impressionnantes encore, comme la libellule globe-trotter, qui accomplit une migration de quelque 17 000 kilomètres aller-retour entre l’Inde et l’Afrique. Pour s’orienter, des syrphes utilisent une « boussole solaire compensée dans le temps », qui corrige le déplacement du Soleil dans le ciel au fil de la journée, selon un article publié en 2021 dans les Proceedings of the Royal Society. Ils profitent aussi des vents favorables, qui augmentent leur vitesse de croisière – si bien que « leur voyage du Royaume-Uni aux Pyrénées ne prend que trois jours environ », précise William Hawkes.

Il vous reste 43.01% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

source

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 Comments
scroll to top