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En Russie, la cyberguerre pour la vertu d’Ekaterina Mizoulina

Comment ne pas l’aimer, Ekaterina Mizoulina ? Lorsqu’il s’agit de défendre les enfants, pas une cause ne lui échappe. Journées surchargées, poids des cartables, cantines scolaires indignes, chauffage défectueux, harcèlement… A toute heure du jour ou de la nuit, elle dégaine son clavier pour relayer les plaintes et les revendications des écoliers russes. « Chaque jour, je reçois des milliers de vos messages. On vous force à assister à des cours optionnels ! L’enfance a été annulée, ou quoi ? », s’est-elle indignée publiquement, le 21 septembre. Sa dernière croisade, presque incongrue dans une Russie en guerre : la construction de ­skateparks. « Merci, Ekaterina Mikhaïlovna ! », lui répondent des milliers d’écoliers, smileys enamourés à l’appui.

L’enthousiasme des plus jeunes est assez contre-intuitif, s’agissant de la directrice de la « Ligue pour un Internet sûr », sorte de ligue de vertu que l’on imaginerait plutôt prisée par de vieilles dames en bigoudis. Pourtant, Ekaterina Mizoulina est bel et bien une icône pop et cool. Sur Telegram, son principal outil de communication, elle compte 375 000 abonnés, dont une bonne partie lui voue une passion sans limite. Chaque jour, Mizoulina reçoit des dizaines de lettres d’admirateurs, qu’elle s’empresse de republier, mais aussi des dessins la représentant en super-héroïne, des vidéos de flashmobs en son honneur… Le week-end, ses fans lui envoient, comme à une grande sœur, des images des concerts auxquels ils assistent, le plus souvent pour montrer les drapeaux russes exhibés dans la foule.

La jeune femme de 39 ans soigne sa popularité avec la minutie d’une influenceuse à la mode, alternant les photos de chats et les messages vidéo pleins d’une insondable bienveillance : « Il est lundi, je vous souhaite un merveilleux début de semaine », « Même malade, souriez ! »… Elle apporte le même soin à son look, équilibre subtil de glamour et d’irréprochable conservatisme, postant elle-même des dizaines de ses portraits, proposés en accès libre aux journalistes.

Tailleurs impeccables, volontiers roses, maquillage prononcé, cheveux blonds immanquablement brushés, dents de porcelaine, parfois un bouquet de fleurs à la main… A l’heure où la Russie, toutes portes fermées, refuse de se laisser contaminer par la vague Barbie (la diffusion du dernier film de Greta Gerwig, jugé contraire aux « valeurs traditionnelles », n’a pas été autorisée), elle en est assurément la version locale, mais pour qui le terme « féminisme » serait une injure. En avril, elle fustigeait d’ailleurs « les féministes radicales, qui organisent sabotages et opérations terroristes ».

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