Close

La physique au bord d’un scandale de fraude scientifique majeure

Ranga Dias, à l’université de Rochester, dans l’Etat de New York, le 2 mars 2023.

La physique est au bord d’un scandale de fraude scientifique majeure. Tout indique qu’un chercheur américain, Ranga Dias, de l’université de Rochester, va voir un troisième de ses articles retiré de la littérature en un an. Le 26 septembre 2022, Nature rétractait un travail de ce spécialiste des matériaux, notamment supraconducteurs (c’est-à-dire qui perdent leur résistance électrique en dessous d’une certaine température), pour l’utilisation d’une « méthode non standard (…) qui mine la confiance dans les résultats ». Le 15 août 2023, la revue Physical Review Letters faisait de même pour de « sérieux doutes sur l’intégrité des données » présentées. Les rapports des enquêteurs, que Le Monde avait pu consulter, étaient sévères, suspectant même des tripatouillages dans les données.

Le 26 septembre, le Wall Street Journal apportait de nouveaux éléments, suggérant que la survie d’un troisième article ne tenait qu’un à fil. Dans une lettre révélée par le quotidien américain et que Le Monde a pu lire, huit auteurs, sur onze, demandent à la revue Nature la rétractation de leur article publié le 8 mars. A l’époque, le travail avait fait grand bruit, montrant un matériau supraconducteur à une température d’une vingtaine de degrés Celsius (mais à très forte pression). Il avait aussi suscité le doute.

Le courrier à Nature est sévère contre Ranga Dias, qui n’a pas répondu au Wall Street Journal. Ses auteurs regrettent d’avoir été exclus du processus de relecture par les pairs lors de la soumission du travail. Ils disent aussi que certains d’entre eux avaient exprimé des doutes sur le manuscrit sans que Ranga Dias y réponde. Il leur avait même laissé le choix : retirer leur nom ou accepter tel quel le texte.

Des échantillons achetés à un fournisseur

Ils révèlent surtout que les échantillons testés dans l’article n’ont pas été obtenus selon la recette décrite mais… achetés à un fournisseur. Une des figures publiées omettait une information importante sur les conditions expérimentales, et Ranga Dias se serait opposé à corriger l’oubli.

Plus grave, ils prétendent que certaines données présentées comme brutes ne correspondent pas aux originales. Ou que des résultats ont été obtenus par un traitement des données non décrit dans l’article et qu’ils qualifient de « non valide ». Ou encore que certaines mesures sont « défectueuses ».

Le journal Science révèle en outre, le 26 septembre, que Nature a lancé une enquête sur cet article dès le 2 mai, à la suite de lettres de deux physiciens très sceptiques sur la rigueur de leur collègue. Mais alors que Ranga Dias tente de répondre à la revue quant aux doutes exprimés, il ne prévient ses coauteurs que le 6 juillet, comme ils l’écrivent dans leur courrier. Selon Science, ils auraient même été menacés de poursuite par Ranga Dias. Ils rappellent d’ailleurs que leur silence jusqu’à présent était lié au lien de subordination avec leur directeur de thèse ou de master.

Il vous reste 11.9% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

source

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 Comments
scroll to top