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Dominique Rousseau : « Une révision constitutionnelle s’impose, sous peine de rendre inévitable une révolution »

Le tout d’une société ne se réduit pas à sa Constitution. Mais rien dans une société ne peut se faire avec une Constitution déconnectée. Or, celle de la Ve République ne répond plus ; elle tourne sur elle-même, elle ne reçoit plus les aspirations de la société et ne lui envoie plus les lois appropriées. Ce décalage entre une Constitution et « sa » société définit le « moment constituant », le moment où une société doit se saisir d’elle-même pour dire ce qu’il en est de son vivre-ensemble.

Les citoyens demandent à être associés à la fabrication des lois, mais la Constitution en donne le monopole aux élus ; ils attendent un agencement équilibré des pouvoirs, elle confond pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire, et même médiatique ; ils réclament des espaces publics de délibération pour définir le bien commun, elle dissout le bien commun par un exercice privatif des institutions ; ils souhaitent une reconnaissance d’un pouvoir décentralisé, elle organise une gestion jacobine des territoires.

« Tant que les idées et les institutions sont de niveau, les institutions subsistent », a écrit Benjamin Constant (1767-1830), qui poursuivait : « Lorsque l’accord entre les institutions et les idées se trouve détruit, les révolutions sont inévitables. »

Aujourd’hui, idées et institutions ne sont plus « de niveau ». Les institutions sont faites sur l’idée que le peuple ne peut vouloir, penser et agir que par ses représentants et qu’en conséquence les élus veulent pour le peuple et disposent d’un monopole de la fabrication des lois. Ce qui se traduit par le célèbre : « Ce n’est pas la rue qui gouverne » et par une Constitution qui, avec l’article 49.3, garantit bien qu’elle ne gouverne pas. Ce qui se traduit encore par la décision, le 28 septembre, du Conseil constitutionnel statuant à six membres sur l’affaire Fillon, alors que le quorum exigé pour décider est de sept membres, révélant ainsi la contradiction entre le mode de nomination et le principe d’impartialité.

Or, depuis plusieurs années, une autre idée émerge, celle que le peuple peut vouloir, penser et agir sans, à côté, voire contre ses représentants.

Nouvelle légitimité

Pour remettre idées et institutions « de niveau », une révision constitutionnelle s’impose sous peine de rendre inévitable une révolution. Pour ce faire, il convient de prendre l’exacte mesure de la situation politique, qui est celle d’un ébranlement des ressorts habituels – le suffrage universel et le concours – de l’acceptabilité sociale des décisions.

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