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Les précieux soins maternels de l’abeille charpentière

Une abeille charpentière (« Ceratina calcarata ») butine une fleur, au Canada, en août 2021.

Les abeilles sont une ruche à clichés, aussi trompeuses qu’elles nous semblent familières. Piochons au hasard : elles vivent en grandes colonies, rassemblées autour d’une reine, produisent du miel et arborent une magnifique toison rayée jaune et noire. Tout cela est vrai d’Apis mellifera, notre bonne abeille européenne. Mais pour peu que l’on s’éloigne de cette héroïne semi-domestique et de ses vingt-huit sous-espèces, toutes nos certitudes s’effondrent. Parmi les quelque 20 000 espèces d’abeilles sauvages, bien peu réunissent ne serait-ce que deux des quatre caractéristiques précédemment énoncées.

La petite abeille charpentière n’en présente aucune. Pas de reine, pas de rayures et presque aucun poil. Pas de miel, ni de ruche. Solitaire, elle creuse son nid dans les tiges mortes de framboisiers, rosiers, trèfles et sumacs, ne boudant pas la présence humaine. C’est du reste dans son jardin que la biologiste Sandra Rehan, maîtresse de conférences à l’université York, à Toronto, a étudié Ceratina calcarata pour la première fois, il y a vingt ans. « J’ai commencé par élever des petits, suivre la répartition sexuelle et l’investissement maternel. J’ai fini par décrypter son génome et par combiner mes intérêts pour le comportement animal et pour la génétique moléculaire », raconte-t-elle.

Dans un article publié le 14 septembre dans la revue Communications Biology, la chercheuse et son équipe détaillent pour la première fois comment les soins maternels prodigués par le petit insecte (8 millimètres, la moitié d’une abeille mellifère, le dixième d’un gros bourdon) influent sur le devenir de sa progéniture, tout à la fois au niveau de l’expression de ses gènes, de la production de son microbiote et de sa santé générale. De tels liens ont déjà été examinés chez de nombreuses espèces, des oiseaux aux souris et aux humains. Mais Sandra Rehan et ses collègues ont suivi les processus à tous les stades de leurs deux mois de développement : dix-neuf stades en tout, regroupés en quatre grandes périodes, larvaire précoce, larvaire avancée, pupaire et juvénile.

Pas de mécanisme de défense collectif

En comparant des nichées toilettées par leurs mères à d’autres laissées à leur sort, les chercheurs ont pu constater les effets du soin à tous les stades. « Nous nous y attendions, dit la chercheuse. Mais nous avons été stupéfaits par l’ampleur des conséquences au stade larvaire précoce. » Les chercheurs ont ainsi mis en évidence des changements majeurs dans l’expression de certains gènes, qu’ils ont ensuite associés à l’explosion de pathogènes dans le microbiote des larves. Ils y ont relevé des bactéries, mais surtout, à 85 %, des champignons. Les plus fréquemment rencontrés, les Aspergellus, également redoutés chez les abeilles domestiques. « Si les mères ne sont pas là pour les nettoyer, les larves infectées sont momifiées », indique Sandra Rehan. D’autres pathogènes entraînent des anomalies dans le développement des yeux ou du cerveau.

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