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Les classes populaires, une catégorie mouvante au cœur d’une bataille politique et idéologique

Histoire d’une notion. Politiquement, c’est la martingale et même un Graal électoral. La reconquête des classes populaires est un objectif politique, une question stratégique, mais aussi un défi idéologique que l’on se dispute de part et d’autre de l’Assemblée nationale. A droite, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, assure défendre les « gens ordinaires qui n’ont pas de résidence secondaire » et qui ont « besoin de sécurité ». A gauche, l’« insoumis » François Ruffin travaille depuis de longues années sur la condition sociale des classes populaires périurbaines et alerte sur l’importance de ne pas les abandonner aux partis nationalistes. Ainsi le député de la Somme a-t-il perçu dans les analyses des économistes Julia Cagé et Thomas Piketty qui, dans Une histoire du conflit politique (Seuil, 864 pages, 27 euros), affirment que « la reconquête du vote populaire rural » doit devenir la « priorité absolue pour le bloc social-écologique », une confirmation scientifique de ses intuitions empiriques.

Mais qui sont les classes populaires ? « Deux critères paraissent essentiels, répond l’historien Gérard Noiriel, le niveau de ressources et le niveau d’études. » Voilà pourquoi « on peut dire que les ouvriers et les employés en sont aujourd’hui les principales composantes », poursuit l’auteur d’Une histoire populaire de la France (Agone, 2018). Et d’où viennent les classes populaires ? Car celles-ci n’ont pas toujours existé sous cette dénomination. Jusqu’aux années 1970, en effet, les sciences sociales et les partis de gauche parlaient de la « classe ouvrière » ou des « classes laborieuses ». La désindustrialisation est cependant passée par là. Et il devenait difficile d’utiliser ce terme à propos d’employés et de salariés des services, au sein de populations souvent touchées par le chômage de masse.

L’expression « classes populaires » semblait ainsi plus « adéquate », rappelait, en 2011, le sociologue Olivier Schwartz, puisqu’elle présentait l’avantage de « désigner tout l’éventail des catégories les moins dotées d’une société » : les citoyens aux revenus modestes, mais aussi dominés par le « nouveau capital », disait Pierre Bourdieu, celui, social, scolaire et culturel, qui se transmet implicitement dans les familles aisées et lettrées.

Cependant, « le visage des populations qui composent les classes populaires a changé », relève le sociologue Etienne Penissat, qui signe Classe (Anamosa, 109 pages, 9 euros). Les aides à domicile ou les assistantes maternelles, par exemple, se situent « à l’intersection des discriminations économiques, mais aussi raciales et genrées », fait-il observer. On oppose souvent l’ancienne classe ouvrière blanche des régions désindustrialisées à celle, multiculturelle, des employés des cités, la France rurale à celle des banlieues. Ces représentations conduisent toutefois à « enfermer les classes populaires dans des oppositions identitaires », poursuit le chercheur au CNRS, convaincu qu’une « lutte de classes intersectionnelle » serait capable d’« élargir le “nous” de la classe aux fractions marginalisées », notamment venues des anciennes colonies françaises.

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