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Immigration : le débat sur les régularisations des sans-papiers réveille les vieilles fractures de la gauche

Le projet de loi « immigration », présenté en novembre 2022 et toujours pas voté, met à mal le gouvernement dans sa recherche d’une majorité parlementaire. Il pourrait aussi mettre au jour les vieilles divisions de la gauche sur l’immigration, entre les tenants d’une approche « universaliste », qui réclament la régularisation de tous les sans-papiers, et ceux qui, revendiquant une forme de « réalisme », acceptent qu’elle soit limitée.

Le 11 septembre, une tribune signée par une trentaine de parlementaires allant de l’aile gauche de la Macronie au Parti communiste français, en passant par le MoDem, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT), le Parti socialiste et Europe Ecologie-Les Verts (EELV), a appelé à régulariser les travailleurs sans papiers dans les métiers en tension, ainsi que le prévoit l’article 3 du texte en discussion. Une façon d’incarner une large coalition, dans le but de contrebalancer la pression des Républicains pour faire retirer cette mesure du texte.

« Ce qui fédère la gauche, c’est l’accueil, explique Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité, à l’initiative de ce texte. La question est de savoir si cet accueil doit être sans limite. La tribune marque la prise de conscience, par un large spectre de gens de gauche, de la nécessité d’un accueil maîtrisé et organisé. En faisant preuve de réalisme, vu l’état de l’opinion publique, on sait qu’on peut avancer sur la question du travail. »

Opposition au projet de loi Darmanin

Depuis quelques années, le discours de la gauche sur l’immigration est devenu inaudible. Elle subit d’une part les effets d’une omniprésence de la droite républicaine et de l’extrême droite sur ce sujet, qui va de pair avec une radicalisation des propositions, polarisées sur les registres identitaire et sécuritaire.

D’autre part, Emmanuel Macron a repris le diptyque « fermeté et humanité », affiché par tous les exécutifs socialistes, de François Mitterrand à François Hollande, en passant par Lionel Jospin – qui déclarait, dans son discours de politique générale en 1997 : « La France doit définir une politique d’immigration ferme et digne, sans renier ses valeurs, sans compromettre son équilibre social. » La majorité revendique aujourd’hui ce « en même temps » migratoire. Dimanche 24 septembre, le chef de l’Etat a cité Michel Rocard, premier ministre de François Mitterrand, qui déclarait, en 1989 : « Nous ne pouvons pas héberger toute la misère du monde. »

Lire aussi une archive de 1996 : Article réservé à nos abonnés Michel Rocard explique sa déclaration sur la France et « la misère du monde »

En soutenant la régularisation des travailleurs sans papiers dans les secteurs en tension, une partie de la gauche entend affirmer son unité politique afin de gagner en visibilité : « Le sujet reste un profond impensé au sein des partis de gauche et la tribune leur permet de revenir dans le jeu », estime François Gemenne, chercheur au Fonds de la recherche stratégique à l’université de Liège (Belgique). Mais elle réveille les tensions qui existent en son sein « entre éthique de conviction et éthique de responsabilité, considère M. Gemenne. Il y a ceux pour qui il est hors de question d’apparaître allié d’un texte dont ils refusent le principe, et ceux pour qui tout est bon à prendre, fût-ce au prix de compromis ».

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