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Le verre romain enrichi par le temps

Vue microscopique de cristaux photoniques à la surface d’un verre romain ancien.

La science n’aime pas les miracles. Elle s’acharne même à les combattre. Deux équipes de scientifiques américains et italiens se sont donc employées à trouver des explications tout à fait rationnelles à l’aventure étonnante qu’elles viennent de vivre et au résultat de leurs travaux, livrés le 18 septembre dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences américaines (PNAS). Il n’empêche : découvrir sur un vieux tesson de verre romain, enterré pendant près de deux mille ans, des cristaux photoniques, une structure aussi rare et complexe que précieuse, utilisée dans les fibres optiques et les lasers, apparaît tout simplement stupéfiant. De quoi ouvrir par ailleurs la voie à de nouveaux modes de production de ces nanomatériaux.

« Tout a commencé un jour nuageux de 2012, quand une de mes collaboratrices a découvert dans un champ proche de la ville antique d’Aquilée, au nord-est de l’Italie, au niveau d’un ancien canal depuis longtemps comblé, ce tesson de verre », se souvient Arianna Traviglia, directrice du Centre de technologie du patrimoine culturel, à Venise. La pièce n’est pas bien grande, mais elle semble émettre une lumière tout à la fois vive et colorée, du bleu, de l’orange et même du doré. « On était d’autant plus surpris qu’aucune excavation n’avait été conduite, elle était là, dans ce sol labouré. » Alors ils lui accolent un surnom : le verre « wow », comme l’exclamation que poussent tous ceux qui découvrent l’objet.

L’équipe vénitienne commence à l’étudier. D’abord, ils la datent, entre le Ier siècle avant J.-C. et le Ier siècle de notre ère, au début de l’Empire romain. Rien d’étonnant, en vérité : née en Mésopotamie il y a cinq mille ans, la fabrication du verre, par un mélange de silice, de soude et de chaux sous haute température, s’est développée en Egypte pharaonique et encore perfectionnée par les Romains, véritables experts en la matière. L’étude chimique met en évidence une recette un peu particulière, bien que déjà connue : en guise de sable, on a utilisé du natron, une roche venue d’Egypte, et adjoint des cendres de plantes de milieux salés. Les scientifiques relèvent également une présence importante d’oxyde de magnésium et, enfin, des traces de fer. Ce sont ces dernières qui auraient donné à ce flacon – « probablement un encrier », selon Arianna Traviglia – sa couleur vert foncé.

Des dizaines de strates de patine

Vert foncé, en profondeur. Car le tesson est recouvert d’une patine de près d’un millimètre. Et c’est elle qui en transforme la couleur et l’aspect. En visite quelques années plus tard dans le centre vénitien, Fiorenzo Omenetto, physicien et directeur du Silklab de l’université Tufts (Massachusetts, Etats-Unis), tombe lui aussi en arrêt. « Sa brillance m’a saisi, se souvient-il. Surtout, son iridescence était complètement similaire à celle des cristaux photoniques que nous étudions dans les ailes de papillons morphos et dans certaines pierres précieuses. »

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