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Le tigre de Tasmanie livre son ARN

Deux tigres de Tasmanie (thylacines), au zoo de Hobart, sur l’île de Tasmanie (Australie), en 1933.

Déterminés à être les premiers à extraire l’acide ribonucléique (ARN) d’une espèce disparue, Emilio Marmol Sanchez (Centre de paléogénétique de Stockholm) et ses collègues se sont naturellement tournés vers le tigre de Tasmanie. « Il constitue un exemple célèbre d’extinction récente causée par l’homme. Le dernier individu connu s’est éteint en 1936 au zoo de Hobart », rappelle-t-il. Dans un article publié le 21 septembre dans Genome Research, l’équipe suédoise présente le résultat de ses travaux.

Le but était de faire la preuve que l’ARN, bien plus fragile que l’ADN, peut lui aussi être récupéré pour éclairer l’évolution d’espèces qui ne subsistent plus qu’à l’état de spécimens dans les collections naturalistes. Pourquoi partir en quête de cette molécule ? Elle remplit de nombreuses fonctions au sein des cellules, dont la traduction en protéines et la régulation de l’information portée par l’ADN. Si les différents tissus d’un organisme portent un ADN identique, c’est le profil d’activité de l’ARN qui assure leur spécificité. Et qui pourrait donc livrer des détails plus fins sur leur physiologie.

Depuis quelques années s’est développée la paléotranscriptomique, la science de l’étude de l’ARN ancien, en complément de la paléogénomique (la recherche de l’ADN ancien, comme celui de l’homme de Neandertal) ou de la paléoprotéomique (les protéines codées à partir de l’ADN). De l’ARN d’Otzi, le fameux « homme des glaces », vieux de plus de 5 000 ans, a ainsi été récupéré en 2017, puis des molécules tirées de chiens et de loups.

Emilio Marmol Sanchez et ses collègues ont donc jeté leur dévolu sur le thylacine, le plus grand des marsupiaux carnivores, dont un spécimen desséché était conservé au Muséum de Stockholm depuis les années 1890. Tirées d’échantillons de muscles et de peau, des séquences d’ARN ont bien pu être multipliées par la technique de la PCR (la même que celle qui est utilisée dans certains tests destinés à détecter la présence du SARS-CoV-2, qui est un virus à ARN) et séquencées. Mais il a fallu ensuite s’assurer que l’ARN ainsi amplifié ne provenait pas de contaminations par des microbes, des champignons, d’autres animaux stockés dans les réserves, ou d’êtres humains.

Une soupe d’ARN

C’est là qu’un travail mené aux antipodes s’est révélé particulièrement utile. Andrew Pask et son équipe de l’université de Melbourne, en Australie, avaient proposé en 2018 une première ébauche du génome du tigre de Tasmanie, avant d’en publier une version plus affinée en 2022. ADN et ARN étant complémentaires, l’alignement de leurs séquences offre un moyen d’attribuer par comparaison l’origine du second. « Notre étude a grandement bénéficié de ce génome de référence », reconnaît Emilio Marmol Sanchez, qui précise que le séquençage du diable de Tasmanie, espèce marsupiale en danger apparentée au thylacine, a aussi été fort utile pour faire le ménage dans la soupe d’ARN.

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