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Scandale Sirli : après la garde à vue d’une journaliste, l’embarras de l’exécutif

La journaliste Ariane Lavrilleux lors d’une conférence de presse tenue après trente-neuf heures de garde à vue, à Paris, le 21 septembre 2023.

C’est la deuxième affaire Sirli, le scandale dans le scandale. Deux ans après la révélation par le site d’investigation Disclose des dérives de la collaboration antiterroriste franco-égyptienne, soupçonnée d’avoir conduit à la mort de nombreux civils, la perquisition et la garde à vue infligées à la journaliste à l’origine de ce scoop, Ariane Lavrilleux, entre mardi 19 et mercredi 20 septembre, ont soulevé l’indignation de la profession, des ONG de défense de la liberté de la presse et d’une partie de l’opposition. Dans une lettre ouverte publiée jeudi, une quarantaine de sociétés de journalistes, dont celle du Monde, ont dénoncé une « situation gravissime » et une « attaque sans précédent contre la protection du secret des sources ».

Mais, au sein du gouvernement, la mention du nom d’Ariane Lavrilleux provoque un silence de plomb ou un étonnement feint. Interrogée par Le Monde lors d’un déjeuner de presse à Matignon, jeudi, la première ministre, Elisabeth Borne, assure ne pas avoir les éléments pour s’exprimer sur cette affaire. « C’est quelque chose en lien avec les Egyptiens, c’est ça ? », interroge une conseillère de Matignon qui promet de donner suite à nos sollicitations. Aucune réponse complémentaire ne suivra.

La veille, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, n’avait pu masquer son embarras sur ce dossier, lors de la conférence de presse hebdomadaire suivant le conseil des ministres. Assurant ne pas vouloir « éluder les choses », il avait refusé de s’exprimer dans « un lieu institutionnel », invitant à le contacter ultérieurement pour parler de « liberté de la presse dans notre pays, celui des droits de l’homme ». Interrogé hors de ce cadre, le porte-parolat n’a pourtant pas souhaité répondre à nos sollicitations, pas plus que l’état-major des armées, ou le ministère de la justice ou de l’intérieur. « Comme garant de l’indépendance de la justice, le président [de la République] ne peut commenter une affaire judiciaire en cours qui vise à déterminer si la loi a été ou non respectée », esquive aussi l’Elysée.

Titrée « Les mémos de la terreur », publiée le 21 novembre 2021, et appuyée sur des documents secret-défense dont l’authenticité n’a jamais été contestée, l’enquête de Disclose révèle comment une mission du renseignement militaire français, baptisée Sirli et censée aider Le Caire à prévenir les infiltrations djihadistes dans le désert égypto-libyen, a été détournée par le régime cairote à des fins de répression interne. Les informations collectées par l’avion de surveillance des services français mis au service de l’armée égyptienne auraient conduit au bombardement de réseaux ordinaires de trafiquants d’armes, de drogue ou de migrants. En dépit de plusieurs mémos alarmants, dont Disclose fournit la copie, Paris a maintenu sa collaboration avec le régime du président Abdel Fattah Al-Sissi.

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