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Raphaël Llorca, essayiste : « Le politique doit de nouveau raconter la France »

Essayiste et communicant, Raphaël Llorca a publié plusieurs notes, études et rapports sur l’articulation entre les marques et la politique. Le cofondateur de l’Observatoire « Marques, imaginaires de consommation et politique » estime que « le politique s’est asséché dans des stratégies d’images » entre séquences « terriblement codifiées » et éléments de langages.

Vous publiez « Le Roman national des marques. Le nouvel imaginaire français » (L’Aube, 380 pages, 24,90 euros) qui aborde le rôle des marques dans l’imaginaire collectif. Qu’avez-vous voulu démontrer ?

Ce livre vient solder cinq ans de travail sur le rôle des marques commerciales dans la société. Longtemps, j’ai cru qu’elles ne faisaient que structurer la société de consommation, mais j’ai progressivement pris conscience qu’elles étaient devenues des sortes d’architectes invisibles de notre société politique. Les Ikea, Netflix ou Renault ne se contentent plus de façonner nos imaginaires de consommation : elles sont sorties de leur enclos initial, la sphère économique et commerciale, pour labourer un champ beaucoup plus structurant, le politique, c’est-à-dire ce qui nous tient ensemble en tant que société.

Je raconte cette prise de pouvoir des marques sur les imaginaires politiques, en l’abordant au travers d’une dimension précise : le « roman national », c’est-à-dire la narration romancée qu’une nation se fait d’elle-même. Jusqu’ici, un phénomène était passé sous les radars : un nombre croissant de marques ont fait de la France non plus seulement l’arrière-fond, mais le sujet principal de leur discours.

Ma thèse, c’est qu’elles se sont engouffrées dans le vide béant laissé par les politiques. D’où mon interpellation : pour lutter contre la privatisation du roman national, le politique doit de nouveau raconter la France.

Comment en êtes-vous arrivé à ce constat ?

Pour l’étayer, nous avons mené une enquête avec l’IFOP et la Fondation Jean Jaurès, pour interroger les Français : selon eux, qui raconte le mieux la France, ses idéaux, ses valeurs, son identité ? Dans la liste des dix catégories d’acteurs proposées (les écrivains, les hommes et femmes politiques, les journalistes, les marques…), c’est la onzième option qui est citée en premier, et de loin : « Personne » (34 %). Aucun des émetteurs listés n’est jugé capable de produire un récit articulé et puissant autour de ces questions essentielles : où en sommes-nous, en tant que nation ? En quoi croyons-nous ? Vers quel horizon commun nous destinons-nous ? Pour résumer, le roman national est en panne, faute de conteurs.

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