Close

A Montmartre, la Butte perd la boule

Plic, ploc, bam… Dans la touffeur de la fin d’été, les boules d’acier s’envolent vers les cibles placées à une dizaine de mètres, suscitant exclamations de joie ou de dépit. A 18 h 30, en short et baskets ou en robe et talons, une vingtaine de femmes ont envahi la moitié des terrains pour répéter leurs gammes. Ce 6 septembre marque la reprise de l’entraînement pour les féminines du Club Lepic Abbesses Pétanque (CLAP), sur la butte Montmartre, dans le 18e arrondissement. Leur objectif, cette saison ? « Devenir championnes de Paris. »

Sur le reste de cette parcelle de près de 800 mètres carrés, blottie dans le passage de la Sorcière, qui relie l’avenue Junot à la rue Lepic, s’organisent des joutes entre artisans, artistes, étudiants, chefs d’entreprise, commerçants, demandeurs d’emploi, professions libérales ou retraités… Sur les tables en fer et les bancs de bois, parties de cartes et papotages s’improvisent à l’ombre d’arbres centenaires. Dans le « club-house » de briques et de bois, Jojo, septuagénaire truculente, renseigne une jeune retraitée prête à signer sa première licence.

Le terrain du Club Lepic Abbesses Pétanque (CLAP), à Paris, le 2 septembre 2023. Au fond, des fenêtres du Hameau des artistes, qui donnent directement sur le terrain du CLAP.

Maxime Liogier, journaliste, membre et communicant du club, insiste sur l’attachement du CLAP à l’inclusion, alors qu’un « entre-soi » hérité de l’époque de sa création, dans les années 1970, par des commerçants et des personnalités de la Butte lui a longtemps été reproché. « Ça a bien changé, assure-t-il. Il y a des jeunes, des vieux, des riches, ou pas. Le CLAP est un espace de mixité et de lien social. »

« Les dés étaient pipés »

Malgré cet œcuménisme affiché, le club, situé sur le dernier vestige du « maquis » de Montmartre, site classé depuis 1991, traverse une zone de turbulences. « CLAP en danger ! », indique un large calicot. Pour le plus important club de pétanque de Paris et le premier club féminin de France en matière de licenciés (287 membres dont 97 femmes), le terrain – qu’il occupe gratuitement sans droit ni titre depuis 1971 – est devenu une « zone à défendre ».

Début juillet, à l’issue d’un appel à manifestation d’intérêt concurrent (AMIC) dont le processus avait débuté en septembre 2022, le Conseil de Paris a attribué, pour douze ans et contre une redevance annuelle de 60 000 euros HT, une convention d’occupation du domaine public (CODP) à Oscar Comtet, directeur général et propriétaire de l’Hôtel particulier Montmartre (HPM), un établissement de luxe contigu, par le biais de Fremosc, sa société familiale.

Des femmes licenciées du Club Lepic Abbesses Pétanque, à Paris, le 2 septembre 2023. En arrière-plan, l’Hôtel particulier Montmartre.

Augmentation des espaces verts en pleine terre de 320 mètres carrés, réintroduction de deux cents espèces végétales, ouverture gratuite au public et aux écoles pour des ateliers pédagogiques, cours de pilates, de tai-chi-chuan et de yoga, marché bio en circuit court… Egrenant les thématiques chères à l’exécutif parisien, sa proposition avait alors été adoubée comme « la mieux-disante » par Olivia Polski, la rapporteuse de la délibération et adjointe (PS) chargée du commerce à la Mairie de Paris. Celle-ci avait salué un « modèle financier garantissant la pérennité de l’espace vert public ».

Il vous reste 74.83% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

source

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 Comments
scroll to top