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L’affaire Rubiales et les résidus d’une société patriarcale en cours de démolition en Espagne

Luis Rubiales a fini par présenter sa démission de la présidence de la Fédération royale espagnole de football (RFEF), dimanche 10 septembre. Non sans avoir dénoncé auparavant, dans un communiqué, les pressions de « pouvoirs parallèles » et une « campagne disproportionnée » contre sa personne. Trois semaines ont passé depuis son baiser forcé à la joueuse Jenni Hermoso, après la victoire de la sélection espagnole en finale de la Coupe du monde de football féminin, le 20 août. L’onde de choc provoquée par l’affaire Rubiales n’a cessé de nourrir des dizaines de tribunes de presse, de débats sur les ondes et de commentaires sur les réseaux sociaux en Espagne. Mercredi 6 septembre, Jenni Hermoso a porté plainte pour « agression sexuelle » et, deux jours plus tard, le procureur général de l’Etat a fait de même.

Si Luis Rubiales s’était excusé auprès de la joueuse et de la société, il est très probable que l’affaire n’aurait pas pris de telles proportions. S’il avait proposé sa démission, conscient que son comportement reflétait de façon intolérable un machisme dépassé, exhibé du haut de sa position de pouvoir, le débat aurait sans doute été rapidement clos. Non seulement le dirigeant sportif espagnol n’a pas assumé ses responsabilités, mais il a nié les faits et brandi l’étendard de l’antiféminisme pour se défendre. Ce n’est pas anodin.

Si l’Espagne est devenue, ces vingt dernières années, l’un des pays d’Europe où la lutte féministe est la plus vigoureuse et où les avancées en matière d’égalité et de lutte contre les violences faites aux femmes ont été les plus grandes, le royaume est aussi en proie à un backlash dont le parti d’extrême droite Vox est l’incarnation. Prompt à qualifier les féministes de « féminazies », le parti créé en 2013 en a fait les principales cibles de ses attaques. Il s’oppose aux lois contre les violences de genre et aux tribunaux spécialisés dans les féminicides, mais aussi aux quotas en politique ou au droit à l’avortement.

« Ne soyons pas complexés »

Certes, l’indignation face au comportement de Luis Rubiales et le soutien à Jenni Hermoso ont été massifs, mais ils sont loin d’avoir été unanimes. L’affaire Rubiales a déchaîné sur les réseaux sociaux les commentaires machistes, remettant en cause les propos de la joueuse, minimisant le comportement de l’ancien président de la RFEF, ou dénonçant une prétendue « dictature féministe » sous le hashtag Yoconrubiales (« moi avec Rubiales »).

Dans un pays à la pointe du féminisme, l’affaire Rubiales met en lumière les résidus d’une société patriarcale en cours de démolition. L’ancien dirigeant du football espagnol a fait pression sur la joueuse pour qu’elle le soutienne, a traité d’« imbéciles » ceux qui étaient outrés, qualifié de « conneries » leurs critiques. Surtout, il n’a cessé de manipuler les faits, avant de se présenter, le 25 août, comme la victime d’un « faux féminisme », qui serait « l’un des grands fléaux » de l’Espagne.

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