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Contre les virus, les huîtres se défendent grâce à l’épigénétique

Une huître creuse (« Crassostrea gigas »), sur les côtes néerlandaises.

Les fous d’huîtres sont une espèce assez répandue. Capables de parcourir des centaines de kilomètres pour déguster un plateau sur la côte, ils placent le mollusque à peu près au-dessus de tout. Les uns vous citent La Fontaine ou Lewis Carroll, les autres vous apprennent que l’usage de coquilles pour voter dans l’Athènes antique a donné naissance au verbe « ostraciser ». Surtout, ils sont généralement incollables sur tout ce qui a trait à la culture et à la consommation de Crassostrea gigas, l’huître japonaise, mieux connue sous le nom d’huître creuse.

Parmi les quelque soixante-six espèces connues, la creuse représente à elle seule 98 % des 130 000 tonnes produites chaque année sur le littoral français. Loin des 3,7 millions de tonnes élevées par les Chinois, mais tout de même 90 % de la production européenne. Pourquoi une huître japonaise sur la côte atlantique ? Tout simplement parce que, après quelques siècles de consommation sans histoire, l’huître plate s’est vu décimer par un pathogène dans les années 1930. Les producteurs se sont alors tournés vers l’huître portugaise, qui, à son tour, a péri infectée, dans les années 1970. Cette fois, les ostréiculteurs ont poussé jusqu’à l’Extrême-Orient pour trouver un mollusque résistant. Mais la perle rare s’est, rebelote, trouvée attaquée. Baptisée POMS (acronyme anglais pour « syndrome de mortalité de l’huître du Pacifique »), cette maladie virale est apparue au début des années 2000. Discrètement, d’abord. Mais, en 2008, un nouveau variant a transformé le gêneur en tueur en série, liquidant de 40 % à 100 % des naissains touchés.

Les scientifiques se sont alors mis au travail. Ils ont d’abord compris que l’herpèsvirus incriminé attaquait le système immunitaire du bivalve, le laissant sans défense contre les infections opportunistes. Ils ont ensuite étudié ce redoutable billard à deux bandes pour tenter de comprendre comment certains individus, souvent même des colonies entières, parvenaient à y résister. Dans un article publié vendredi 8 septembre dans Science Advances, une équipe du laboratoire Interactions hôtes-pathogènes-environnements, à Montpellier, livre la réponse : les mollusques résistants ont procédé à une « adaptation rapide » grâce à quelques mutations génétiques appropriées et, surtout, à des changements épigénétiques.

Régions du génome pilotant le système immunitaire

Pour les amateurs de fruits de mer peu habitués aux arcanes de la biologie moléculaire, rappelons que l’épigénétique vise non pas le code génétique et la nature des protéines qu’il permet de synthétiser, mais l’activité des gènes, leur « expression », que certains petits ajouts chimiques dans l’ADN peuvent rendre plus ou moins forte. « Notre étude a mis en évidence l’importance primordiale de ces modifications épigénétiques, parfois en complément de mutations génétiques, mais parfois en l’absence de mutation », souligne Jérémie Vidal-Dupiol, chercheur à l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer et coordinateur de l’étude.

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