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Chili, 1973 : la révolution et la poésie assassinées

Pablo Neruda (au premier plan) et Augusto Pinochet (lunettes noires, à gauche), le 5 décembre 1971, dans le stade national de Santiago, au Chili, lors d’une cérémonie en l’honneur du Prix Nobel. Photo extraite de « Résider sur la terre ».

« Résider sur la terre. Œuvres choisies », de Pablo Neruda, multiples traducteurs de l’espagnol (Chili), édité par Stéphanie Decante, Gallimard, « Quarto », 1 604 p., 37 €.

« Chambre 406. L’affaire Pablo Neruda », de Laurie Fachaux-Cygan, L’Atelier, 200 p., 20 €, numérique 14 €.

Dans son célèbre discours prononcé en décembre 1971, à Stockholm, à l’occasion de la réception de son prix Nobel de littérature, Pablo Neruda (1904-1973) invite son auditoire à un « voyage (…) aux antipodes », à la « pointe australe » du Chili, dont il compare les « paysages » et les « solitudes » à ceux de ­l’extrême Nord scandinave.

L’écrivain est au faîte de sa gloire : lu et célébré d’un pôle à l’autre, grand voyageur par nécessité et par inclination, il est ambassadeur du Chili en France, nommé par Salvador Allende (1908-1973), à qui il s’est rallié aux élections présidentielles de 1970, remportées par l’homme poli­tique socialiste avec le soutien des partis de gauche, unis sous la bannière de l’Unité populaire. Un peu plus loin dans ce même discours, il s’enorgueillit d’avoir « participé à la transformation actuelle » de son pays et définit la poésie comme une « action (…) dans laquelle ­entrent en parts égales la solitude et la ­solidarité, (…) l’intimité de l’homme et la révélation secrète de la nature ».

Cette conception d’un acte poétique ancré dans la terre, avec l’humanité et pour l’humanité, tient évidemment à sa trajectoire particulière d’homme et d’écrivain, né aux premières années du XXe siècle, témoin de la guerre d’Espagne, militant et sénateur communiste, en exil pendant la présidence de Gabriel Gonzalez Videla (1946-1952). Deux ans à peine après son prix Nobel, cependant, cette histoire et ce combat politique, dont il a fait le cœur de plusieurs de ses œuvres, le rattrapent. Le 23 septembre 1973, il meurt à Santiago dans des circonstances troubles, alors qu’il semblait prêt à repartir en exil avec son épouse, la chanteuse Matilde Urrutia (1912-1985). La junte dirigée par le général Augusto Pinochet (1915-2006) est arrivée au pouvoir douze jours plus tôt.

Un engagement et une inspiration

Cette extraordinaire traversée du siècle, où l’histoire, l’homme et l’œuvre sont intimement mêlés, est le fil conducteur de la très belle anthologie poétique (agrémentée de quelques récits et essais) qui paraît sous la direction de Stéphanie Decante, Résider sur la terre. En présentant d’un seul trait toutes les variantes et tous les thèmes de la poésie de Pablo Neruda, ce volume donne une saisissante impression de cohérence – en dépit d’une recherche formelle qui évolue et des époques qui se succèdent. En cela, il souligne la constance d’un engagement et d’une inspiration.

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