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L’Afrique demande la création d’une taxe mondiale sur les émissions de carbone

Le président kényan, William Ruto, lors de son discours de clôture du Sommet africain sur le climat, à Nairobi, le 6 septembre 2023.

Le premier Sommet africain sur le climat s’est achevé, mercredi 6 septembre à Nairobi, par une déclaration commune des chefs d’Etat qui pose les attentes du continent à l’égard des grands pays pollueurs et ses aspirations à devenir un acteur majeur dans la décarbonation de l’économie mondiale. Elle définit la position commune que devront défendre ses représentants dans un agenda international au calendrier chargé : G20 ce week-end en Inde, assemblée générale des Nations unies fin septembre, réunions annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) à Marrakech en octobre, et nouveau round de négociations climatiques aux Emirats arabes unis en novembre (COP28).

Le texte de huit pages a fait l’objet d’intenses discussions pour parvenir à un équilibre capable de satisfaire les 54 Etats. Un pari réussi pour le président kényan, William Ruto, qui a porté ce rendez-vous qualifié d’« historique » par ses participants et s’impose comme la voix forte du continent. Si la suggestion du dirigeant sénégalais, Macky Sall, est retenue, il pourrait même être le seul chef d’Etat à parler au nom de toute l’Afrique lors de la COP28. Un privilège que seul l’ancien président éthiopien Meles Zenawi (1991-2012) avait reçu à l’occasion de la Conférence mondiale sur le climat de 2009 à Copenhague.

Pendant trois jours, le sourire et le pragmatisme de William Ruto ont pu séduire, voire rassurer les Occidentaux conviés à l’événement, mais le consensus sorti de Nairobi ne se contente pas de rappeler les promesses non tenues, comme l’établissement d’un fonds annuel de 100 milliards de dollars (93 milliards d’euros).

Face aux impacts croissants du dérèglement climatique et à la nécessité de bâtir des économies décarbonées, il demande un changement de paradigme par l’introduction d’une taxe mondiale sur les émissions de carbone, « incluant une taxe sur le commerce des énergies fossiles, le transport aérien et maritime ». Celle-ci, à laquelle pourrait s’ajouter « une taxe sur les transactions financières », permettra de « fournir des financements dédiés, abordables et accessibles pour investir dans des projets climatiques à grande échelle, sans puiser dans les ressources [intérieures] et sans subir l’influence indue d’intérêts géopolitiques et nationaux ».

« Croissance verte »

Les dirigeants africains, qui ont brocardé à Nairobi les injustices du système financier mondial et des grandes institutions comme le FMI et la Banque mondiale (dont une réforme est en discussion), demandent aussi une hausse des prêts concessionnels – à des conditions financières très favorables – et des mesures d’allègement de la dette.

Mardi, le Centre mondial pour l’adaptation, qui accompagne les pays les plus vulnérables, a annoncé que les besoins financiers du continent pourraient s’élever à 100 milliards de dollars par an. Pour la Tanzanie par exemple, qui soumettra son plan d’adaptation à la COP28 afin de mobiliser des financements internationaux, ils s’élèvent à près de 10 milliards de dollars, soit 15 % de son PIB.

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Face à ces choix, les dirigeants africains mettent en regard la nécessité d’assurer à un continent dont la population va doubler d’ici à 2050, et quadrupler d’ici à 2100, un développement économique propre pour atteindre l’objectif de neutralité carbone à l’échelle mondiale d’ici au milieu du siècle et contenir l’augmentation des températures en dessous de 1,5 °C, voire 2 °C. « Nous nous engageons à propulser la croissance économique et la création d’emplois en Afrique d’une manière qui non seulement limite nos propres émissions, mais contribue aux efforts mondiaux de décarbonation », déclarent-ils.

Car l’ambition du sommet de Nairobi est aussi et avant tout de proposer un agenda positif. William Ruto, en s’appuyant sur la trajectoire du Kenya, dont l’électricité provient à près de 90 % d’énergies renouvelables, n’a cessé de marteler que le continent, par ses ressources renouvelables et non renouvelables, peut devenir un acteur central de la transition énergétique mondiale, à condition d’en tirer un juste bénéfice. « Transformer l’économie africaine grâce à une croissance verte est le moyen le plus juste, le plus efficace et le plus réalisable d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 », a-t-il expliqué.

« Un signal fort »

La déclaration souligne ainsi que, si le continent possède 40 % des capacités mondiales d’énergies renouvelables, il n’attire encore qu’une fraction marginale des investissements. Dans le même temps, 600 millions de personnes sont toujours privées d’accès à l’électricité et près d’un milliard d’habitants dépendent des forêts et des résidus agricoles pour cuire leurs aliments. Le texte rappelle également le rôle joué par les forêts du bassin du Congo dans la stabilisation du climat et de la biodiversité.

Présente à Nairobi, la négociatrice française de l’accord de Paris, Laurence Tubiana, applaudit avec enthousiasme ce nouvel engagement : « L’Afrique envoie un signal fort. Elle fait preuve du leadership nécessaire pour maintenir nos chances de rester en dessous d’un réchauffement de 1,5 °C. Des voix africaines ambitieuses montrent que l’Afrique peut prendre l’initiative de forger un nouveau contrat social mondial entre les pays africains, riches en ressources essentielles à la transition verte, et les pays développés en suivant les conditions et les normes proposées par l’Afrique. L’Europe doit maintenant écouter et soutenir ces voix afin de codévelopper un agenda d’industrialisation verte et de briser ensemble les tabous d’un système financier injuste. »

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Les chefs d’Etat ont par ailleurs décidé qu’ils réuniraient un sommet consacré au climat tous les deux ans.

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