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« Les adversaires du RN doivent désormais prendre ce parti au mot pour contenir sa progression, au risque de valoriser ses combats »

Les « rencontres de Saint-Denis », à l’initiative d’Emmanuel Macron, mercredi 30 août, ont eu entre autres effets de parachever l’intégration du Rassemblement national (RN) dans le jeu républicain. Contacté en amont par le président de la République comme d’autres chefs de parti, Jordan Bardella s’est retrouvé propulsé dans la cour des grands en participant à douze heures de débats à huis clos. Le président du RN, qui sera également tête de liste aux élections européennes de juin 2024, a fourni des propositions précises tout en conservant une distance critique avec l’exercice. Ce faisant, il a gagné quelques galons supplémentaires sur le chemin de la notabilisation. L’histoire ne dit pas si Marine Le Pen en a pris ombrage.

Le fait significatif est qu’aucun autre représentant politique n’a contesté sa présence, alors que le périmètre de l’exercice n’allait, au départ, pas de soi. Fallait-il n’inviter que les partis dits « de l’arc républicain » tels que la première ministre, Elisabeth Borne, les avait définis ? Et alors se seraient trouvés exclus le RN et La France insoumise, considérés comme d’irréductibles adversaires.

Le président de la République devait-il, au contraire, ouvrir le jeu le plus largement possible pour tenter de dépasser les blocages constatés à l’Assemblée nationale ? A partir du moment où Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ont totalisé 45 % des suffrages exprimés au premier tour de l’élection présidentielle de 2022, la question ne s’est pas posée longtemps. C’est aussi le tripartisme qui a été consacré lors de cette nuit du 30 août.

Confrontée comme beaucoup d’autres pays de l’Union européenne à la montée de l’extrême droite, la France a longtemps fait barrage au lepénisme par la combinaison du scrutin majoritaire à deux tours et la constitution d’un front républicain resté relativement puissant jusqu’en 2022. Le pays se retrouve aujourd’hui dans une situation banalisée où le RN, fort de 88 députés, n’a certes pas la force de peser dans le cadre d’une coalition comme en Italie, en Suède ou en Finlande, mais s’inscrit dans une démarche de conquête électorale à la faveur des bouleversements qui secouent le pays.

Diabolisation de moins en moins opérante

L’effet sur ses opposants est assez radical : la diabolisation, qui avait bien fonctionné pour contrer Jean-Marie Le Pen, jamais avare d’une provocation pour se mettre au ban de la République, devient de moins en moins opérante face à sa fille, qui se campe en protectrice des plus faibles. C’est désormais au mot que ses adversaires doivent prendre ce parti pour tenter de contenir sa progression, au risque de valoriser ses combats. L’échange à distance entre Elisabeth Borne et Emmanuel Macron, au début du mois de juin, reflétait cet embarras. Alors que la première ministre avait rappelé au micro de Radio J que le RN est un « héritier de Pétain » porteur d’une « idéologie dangereuse » dont « il ne faut pas banaliser [l]es idées », le chef de l’Etat avait estimé devant ses ministres que le combat contre l’extrême droite ne doit plus se faire « par des arguments moraux » mais par « le fond » et « le concret ».

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