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Matériau supraconducteur : soupçons de fraude sur une étude américaine

L’année 2023 restera marquée d’une pierre blanche dans l’histoire de la supraconductivité, car il n’y a pas que le matériau sud-coréen qui fait parler de lui. Un autre, forgé aux Etats-Unis, échauffe tout autant les esprits. Peu croient en la solidité du résultat. Des soupçons de malhonnêteté planent même, puisque le principal coauteur, Ranga Dias, professeur à l’université de Rochester (Etat de New York), a déjà deux articles retirés de la littérature pour des doutes sur ses données. Il est aussi accusé de plagiat dans sa thèse.

Le 8 mars, cette équipe américaine fait donc sensation dans la revue Nature. Elle a fabriqué un matériau supraconducteur dès que la température passe sous les 21 °C seulement, mais sous une forte pression, dix mille fois la pression atmosphérique. Ce qui est tout de même deux cents fois plus faible que le record d’alors.

Des questions sur la qualité des résultats surgissent aussitôt et plusieurs équipes ont répliqué l’expérience sans succès. La dernière, chinoise, a posté ses conclusions négatives le 1er juillet sur le site de prépublication Arxiv.org, expliquant que la résistance du matériau chute mais reste non nulle. Seule une autre équipe américaine a pu tester un échantillon de Rochester et effectuer des mesures électriques compatibles avec celles publiées. « Nous ne pouvons pas dire que c’est une réplication car l’échantillon est très sale et inhomogène. Il manque aussi des mesures magnétiques », rappelle Hai-Hu Wen, coauteur d’une des études négatives à l’université de Nanjing (Chine). « C’est en cours », indique Russell Hemley, professeur à l’université de l’Illinois, responsable de ces expériences et ancien coauteur de Ranga Dias.

« Apparente fabrication de données »

Mais une accumulation d’éléments est venue entamer un peu plus la confiance dans le résultat de Rochester. Dernier en date : le 1er septembre, la revue Nature a publié, sur la page de l’article du 8 mars, une alerte indiquant que « la fiabilité des données est questionnée. Une action éditoriale appropriée sera engagée une fois ce problème résolu ».

Le physicien américain Ranga Dias, dans un laboratoire de l’université de Rochester (Etat de New York), le 2 mars 2022.

Le 15 août, ce genre d’alerte a conduit à la rétractation d’un précédent article signé par Ranga Dias, paru dans Physical Review Letters en 2021. La revue avait mobilisé quatre experts, comme l’a révélé le journaliste américain Daniel Garisto dans Nature dès le 25 juillet. Leurs rapports, que Le Monde a pu consulter, sont dévastateurs. Tous expliquent que les données fournies, censées venir de l’expérience, ne reproduisent pas les courbes publiées ! Pire, ils confirment que ces courbes sont en partie les décalques de celles publiées précédemment sur un autre matériau et avec des pressions différentes.

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