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« Les matériaux plastiques portent en eux une malédiction à laquelle il est impossible d’échapper »

Baptiste Monsaingeon est sociologue, maître de conférences à l’université Reims-Champagne-Ardenne, auteur d’Homo detritus. Critique de la société du déchet (Seuil, 2017).

Comment les plastiques en sont arrivés à prendre tant de place dans nos vies ?

Du point de vue des imaginaires sociaux, les plastiques sont corrélés à l’hygiénisme, mouvement marqué par l’apparition des poubelles à la fin du XIXe siècle. L’idée qu’un objet usagé est un vecteur potentiel de pathologies fait son chemin. Ce qui mènera à l’« usage unique » à partir de la deuxième moitié du XXe siècle. Si cette logique est devenue une norme mondiale de consommation, elle n’a pas attendu l’époque moderne pour exister. A la fin du XIXe siècle, on inventait l’hygiène féminine en coton à usage unique et on faisait la promotion du col de chemise jetable…

Au départ, les plastiques sont-ils considérés comme éphémères ?

La question de l’imaginaire que l’on incorpore dans ces matériaux est fondamentale. En 1955, le magazine américain Life fait l’apologie du consumérisme d’élimination en publiant, en manchette, la photo d’une famille jetant en l’air assiettes, gobelets et couverts en plastique, pour vanter la libération de la femme par la disparition des tâches ménagères. Le titre paraît aujourd’hui surréaliste : « Throwaway living », « le mode de vie jetable ».

Quand les déchets commencent-ils à être considérés comme des problèmes ?

A l’origine, les plastiques apparaissent comme un moyen de valoriser des produits issus du raffinage du pétrole. Il est intéressant de noter que les plastiques sont donc eux-mêmes le fruit d’une forme de déchet, le déchet géologique issu de la putréfaction sur des millions d’années. Dans l’opinion publique, la bascule s’opère avec la médiatisation des flottants à la surface des océans et la découverte d’un « continent plastique » dans le Pacifique par Charles Moore, en 1997.

Pourquoi cette prise de conscience n’a-t-elle pas été suivie d’effets ?

A l’époque, on se dit que ce n’est pas grave, qu’on va ramasser ces déchets et les traiter. C’est ce que fait l’écologiste néerlandais Boyan Slat, à partir des années 2010. Il a alors 17 ans. Présenté comme un génie, il collecte beaucoup d’argent grâce à Instagram et finance des barges flottantes, qu’il envoie repêcher les plastiques en mer. Or, cette solution n’en est pas une. L’enjeu n’est pas tant de nettoyer la surface des océans que de couper le robinet de production des plastiques. Sinon, tout va recommencer inlassablement.

D’où vient le sentiment que l’humanité ne pourra pas s’en défaire ?

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