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L’enjeu politique de la nuit du 30 août

Arrivée de Manuel Bompard (LFI), Marine Tondelier (EELV), Olivier Faure (PS) et Fabien Roussel (PCF), le 30 août 2023, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).

Les prochains jours seront déterminants pour savoir si le sommet inédit qui s’est déroulé, mercredi 30 août, entre Emmanuel Macron et les chefs de parti à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) sera réellement utile au pays. La façon dont sera accueillie et amendée la synthèse des échanges et des chapitres de travail proposée par le chef de l’Etat dira si un véritable mouvement s’est enclenché. Dans le cas contraire, la nuit du 30 août n’aura été qu’un feu de paille, au-delà de la performance réalisée par l’hôte de l’Elysée : tenir douze heures durant, dans un huis clos de bonne tenue, une représentation politique d’ordinaire encline à l’empoignade.

Sur fond de consensus autour du soutien à l’Ukraine, l’annonce d’une « conférence sociale » sur les bas salaires apparaît comme la piste la plus sérieuse au côté de débats nourris autour de l’évolution des institutions et de l’usage du référendum. Mais tout reste à coconstruire, ce qui rend l’exercice à la fois aléatoire et intéressant. Si quelque chose finit par émerger, ce ne sera pas le seul fait d’une volonté verticale mais le résultat d’un consensus dans lequel les partis ont, pour la première fois depuis longtemps, un rôle actif à jouer.

Le paradoxe est grand de voir un président de la République qui a pourfendu les formations politiques et méprisé « le vieux monde » tendre enfin la main à leurs chefs. Le retournement est tellement soudain, tellement spectaculaire, qu’il légitime la suspicion dont font preuve les oppositions de gauche et de droite. Celles-ci craignent de se trouver prises au piège d’une manœuvre présidentielle visant à redonner du souffle à un second mandat mal parti. Le fait est cependant qu’aucun participant n’a claqué la porte. Tous ceux qui étaient conviés, y compris les plus radicaux, ont estimé qu’ils avaient plus à perdre aux yeux des Français à boycotter la rencontre qu’à débattre à huis clos de sujets graves qui les renvoient tous à l’ampleur de la crise démocratique.

La faiblesse des partis n’est pas la résultante de l’élection d’Emmanuel Macron. Elle la précède et participe à l’atrophie de l’exercice démocratique. Au fil des années, le nombre des militants s’est réduit comme une peau chagrin ; les débats structurés en courants n’existent plus. Seule prime la volonté du chef, quand il existe encore : Jean-Luc Mélenchon à gauche, Marine Le Pen à l’extrême droite, Emmanuel Macron au centre. La perte de la majorité absolue à l’Assemblée nationale en juin 2022 a été, à cet égard, un puissant révélateur. Depuis quinze mois, ce sont les groupes parlementaires et non les partis qui donnent le « la » du débat politique. Sur fond de montée des radicalités, la foire d’empoigne l’emporte sur le débat de fond, au risque d’accroître encore le désengagement citoyen.

Il est certes illusoire de croire que les partis retrouveront du jour au lendemain leur vitalité. Mais ils auraient tort de négliger les rares occasions où, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, on leur tend la main. Si les « rencontres de Saint-Denis » peuvent avoir une quelconque utilité, c’est de remettre un tant soit peu dans le jeu leurs responsables, à un moment où beaucoup sont enclins, par facilité, à défendre l’appel au référendum sur à peu près tous les sujets. S’ils veulent encore compter, à eux de se tourner vers leurs adhérents, de faire remonter des propositions, de les structurer, de les défendre devant l’opinion, puis de rechercher les moyens de les faire adopter. Cela s’appelle tout bonnement nourrir la démocratie.

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Le Monde

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