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Transparence financière : la France menacée par une procédure d’infraction européenne

Un nouvel assaut contre la transparence financière a été lancé discrètement au cœur de l’été. Il vise la France et émane de l’influent cabinet d’avocats londonien Mishcon de Reya, déjà à l’origine de la décision retentissante de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui a déclaré illégal l’accès du grand public aux informations sur les bénéficiaires effectifs des entreprises, au nom du droit à la protection des données et au respect de la vie privée, en novembre 2022. Cet arrêt avait créé l’émoi parmi les ONG et les magistrats anticorruption, ces registres s’étant imposés en quelques années comme un outil majeur pour lutter contre les sociétés-écrans et la dissimulation des actifs financiers.

Plusieurs pays européens, du Luxembourg à l’Allemagne, avaient fermé immédiatement leurs registres. Mais pas la France, qui a choisi de maintenir le sien accessible au grand public, le temps de trouver une autre solution. Mais l’avocat suisso-britannique Filippo Noseda, l’un des principaux associés du cabinet Mishcon de Reya, vient de demander à la Commission européenne de sanctionner la France pour son refus d’appliquer cette décision de justice.

Dans son courrier du 21 juillet, que Le Monde a pu consulter, l’avocat alerte le commissaire européen à la justice, Didier Reynders, sur la décision française, qualifiée de « défi dangereux pour l’Etat de droit » – égratignant le ministre de l’économie Bruno Le Maire, qui aurait choisi de manière « presque théâtrale » de « ne pas tenir compte d’un arrêt de la CJUE dans le domaine des droits fondamentaux ». Il demande à Bruxelles de mettre en demeure Paris de s’expliquer, « première étape de la procédure d’infraction » qui pourrait mener à une poursuite devant la CJUE. Le courrier vise aussi d’autres pays qui ont « décidé d’ignorer » l’arrêt, tels que la Lettonie, l’Estonie et le Danemark.

En croisade contre les « excès » de la transparence

L’offensive du cabinet londonien survient alors que les Etats membres sont en plein travail pour se mettre en conformité avec l’arrêt de la CJUE, sans trop affaiblir la lutte contre la criminalité financière. La Commission européenne confirme au Monde avoir reçu le courrier de Filippo Noseda et explique « examiner la question qui y est soulevée », sans s’avancer sur les suites possibles.

Le cabinet de Bruno Le Maire refuse de commenter « une procédure dont [il n’était] pas informé », tout en insistant sur l’aspect temporaire de la situation : « Nous nous sommes mis en ordre de marche pour mettre en œuvre la décision de la CJUE », et « dans l’attente de la fin des échanges avec les parties prenantes et des développements informatiques nécessaires (…), nous avons fait le choix de conserver un accès au registre au grand public » pour « permet[tre] aux organes de presse et aux ONG de continuer à y accéder ».

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