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« Sans régulation efficace, la politique de souveraineté numérique européenne échouera »

Nous y sommes. Avec l’entrée en vigueur des deux nouveaux règlements, l’un sur les marchés numériques (Digital Markets Act, DMA), l’autre sur les services numériques (Digital Services Act, DSA), la Commission européenne est à la manœuvre pour encadrer les pratiques des géants du numérique. Les fameux Gafam avec Alphabet (Google), Meta (ex-Facebook), Amazon, Apple et Microsoft devront appliquer les deux règlements ; TikTok et sa maison mère ByteDance aussi. Twitter ou Booking, relevant déjà du DSA, pourraient les rejoindre.

Ces deux textes complémentaires s’attaquent aux dérives des modèles économiques des Gafam et aux risques générés par les contenus qu’ils proposent. La norme européenne pourra-t-elle faire mieux que le laisser-faire des Américains et que le contrôle vertical à la chinoise ? L’enjeu est énorme. Réussira-t-on à contrôler le pouvoir économique, politique, technologique et social acquis par une poignée d’acteurs ?

Les particuliers et entreprises utilisateurs vont bénéficier de nombreuses avancées, avec plus de transparence, des procédures de modération améliorées, un meilleur encadrement de comportements abusifs, un début d’accès aux algorithmes et aux données pour les chercheurs, etc. Les Gafam ne sont d’ailleurs pas nécessairement opposés à toutes ces obligations, si leur application uniforme dans toute l’Europe permet de préserver leurs économies d’échelle.

Encore faut-il que ces obligations, qui risquent d’être étendues par contagion au-delà du seul marché européen, ne mettent pas en péril leurs marges substantielles. Il faut s’attendre à beaucoup d’oppositions ou de procédures dès que le modèle économique sera en jeu, soit directement dans l’application fine du DMA, soit indirectement pour l’analyse des risques, l’accès des chercheurs aux algorithmes ou leur mise en cause… Et le niveau de contrôle imaginé ne sera pas atteint, car les risques de sanctions ne seront pas dissuasifs : les procédures sont nouvelles et la caractérisation des preuves peu explicite.

Organisation et objectifs

La Commission va rencontrer des difficultés résultant à la fois des limites des textes et des insuffisances du contrôle mis en œuvre. Ces textes contraignent les entreprises concernées à plusieurs dizaines d’obligations, pas toujours très précises et pouvant prêter à interprétation, ce que ne manqueront pas d’exploiter les entreprises en fonction de leurs intérêts.

Certes, par rapport au projet initial de 2020, les moyens et les compétences de contrôle ont été réévalués. Les effectifs alloués par la Commission à ces tâches seront plus techniques et plus nombreux, mais ils resteront toutefois inférieurs à 250 personnes pour contrôler les activités d’entreprises dont la capitalisation boursière atteint environ 10 000 milliards de dollars (9 250 milliards d’euros) ! La méthode retenue est de demander aux entreprises de définir elles-mêmes les voies et moyens pour être conformes. Meta a d’ailleurs annoncé que 1 000 collaborateurs s’occupaient de la mise en œuvre des obligations du DSA.

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