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Paul Devin, syndicaliste FSU : « En dénonçant le “pédagogisme”, le chef de l’Etat nourrit un objet fantasmatique »

Les perspectives énoncées par Emmanuel Macron pour l’école se caractérisent toujours par le même paradoxe : un écart majeur entre l’annonce d’une transformation profonde capable de faire naître « l’école du futur » et l’indigence des mesures qui suivent. Ce fut le cas de ses discours à Marseille qui, ayant l’objectif de faire naître une « révolution copernicienne », n’engendrèrent que la possibilité de financer quelques projets. Ce fut à nouveau le cas avec le Conseil national de la refondation, [en septembre 2022,] où était annoncée une démarche nouvelle propre à garantir « le contrat républicain permettant à chaque jeune de développer toutes ses capacités ». Le gouvernement se réjouit de son succès en comptabilisant les projets déposés qu’il veut voir comme le signe d’un profond renouveau là où il s’agit essentiellement d’une réaction opportune permettant de percevoir quelques subventions. Chaque fois, la montagne accouche d’une souris…

Les propos d’Emmanuel Macron dans l’interview publiée par Le Point le 23 août sont du même acabit. Mais, ils concentrent, plus que jamais, une série de poncifs réactionnaires sur l’école qui témoignent de l’incurie du diagnostic. Commençons par la dénonciation du « pédagogisme » qui serait responsable d’un renoncement à transmettre les savoirs et aurait conduit une ou plusieurs générations à perdre les repères républicains. Le propos présidentiel n’est évidemment pas d’interroger avec précision les effets de conceptions pédagogiques mais de nourrir un objet fantasmatique qui séduit depuis longtemps les nostalgiques d’un ordre scolaire dont les vertus auraient été de vaincre les difficultés d’apprentissage et de former des républicains.

On feint d’ignorer que cette école-là ne connaissait pas les difficultés de la massification puisqu’elle se contentait d’offrir l’accès au second degré à une petite minorité de jeunes. On oublie aussi que la prétendue assurance de cette école à créer des républicains ne l’a pas empêchée de former des générations qui feront le lit de l’antisémitisme et des penchants pétainistes. Et, plus tard, de générations qui ne se révèlent guère capables d’exiger la réalité d’une égalité promise par les valeurs républicaines.

Vient ensuite l’appel à un retour de « l’autorité » dont la performativité discursive semble suffire sans qu’on questionne réellement la nature des difficultés de l’école en la matière, comme si elles provenaient d’un laxisme enseignant que l’injonction politique suffirait à faire cesser ! « Il n’y a à mes yeux qu’un chemin, dit le président : l’autorité des savoirs. » Se figure-t-il que les enseignants y ont renoncé ? Ne les entend-il pas protester justement contre des mesures qui, pour compenser le déficit de recrutement et de moyens, négligent la formation et permettent désormais de reculer sans cesse les exigences nécessaires pour enseigner en risquant de mettre à bas cette autorité des savoirs ?

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