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Une rentrée politique au parfum du monde ancien

 Entourée du ministre de l’intérieur Gérald Darmanin (à gauche) et du ministre du travail Olivier Dussopt, la première ministre Elisabeth Borne salue une connaissance pendant le discours du président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur Renaud Muselier, à Tourcoing (Nord), le 27 août 2023.

En 2016, la « grande marche » ayant lancé la campagne présidentielle qui a conduit à son élection avait permis à Emmanuel Macron de se forger une conviction : la politique, rythmée par des clivages artificiels, selon lui, était profondément rejetée par les Français et source de tous les maux démocratiques (désaffection et abstention, vote pour les extrêmes, etc.). En portant la « start-up nation » sur les fonts baptismaux, le jeune président de la République avait donc tenté de dépolitiser, de gommer les clivages idéologiques. Il avait nommé une flopée de ministres techniques, pour la plupart issus de la société civile, sans passé ni culture politique, des « experts » concentrés sur la « réforme » au service d’un intérêt général supposé, et avait vanté « l’amateurisme » auprès de ses députés.

Le macronisme se voulait le visage séduisant d’une haute fonction publique volontariste à la recherche de l’efficacité, loin des faux-semblants du jeu politique. Un rêve saint-simoniste, en somme, soit « remplacer le gouvernement des hommes par l’administration des choses ». « Je n’aime pas la politique, j’aime faire », avait ainsi confié Emmanuel Macron à l’écrivain Philippe Besson (Un personnage de roman, Julliard, 2017), décrivant les élus comme « des commerçants qui tiennent un bout de rue ».

Premier coup de semonce il y a un an, les législatives l’ont rappelé au réel : fatigués par ce « en même temps » permanent, qui a fini par leur donner le tournis, les Français ont souhaité réintroduire du clivage et de la clarté, même si cela devait passer par une forme de radicalité. En juillet, le remaniement du gouvernement, qui a vu le départ de nombreux ministres techniques au profit de nominations plus politiques, a également signé un « retour du politique », comme l’a lui-même constaté le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran. Aujourd’hui, cette rentrée marquée par l’offensive – inédite en Macronie – du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, qui a affiché sa singularité et posé une ambition, s’inscrit dans la même logique. Une séquence au parfum de « l’ancien monde », qui rappelle la stratégie de « rupture » entreprise par son mentor Nicolas Sarkozy à l’égard de Jacques Chirac, il y a vingt ans.

Sur la forme aussi, M. Darmanin, qui n’a jamais adhéré aux codes aseptisés de la « start-up nation » et toujours plaidé pour « plus de bistrots et moins de visios », a scénarisé sa rentrée, dimanche à Tourcoing (Nord), comme autrefois : gobelets en plastique et saucisse-frites, accolades et mains serrées, ballet de chemises blanches aux manches relevées, renouant avec une geste chiraco-sarkozyste – « l’épopée » de Jacques Chirac, au « cul des vaches » – assumant que la politique est aussi faite de chair et de sang. Même l’austère et réputée « ultra-techno » Elisabeth Borne, qui a recadré dimanche son ministre de l’intérieur, lui enjoignant d’obtenir d’abord des résultats, sur le front de l’insécurité notamment, s’est fendue pour l’occasion d’un discours habile, sans doute l’un des plus politiques depuis son arrivée à Matignon, s’affirmant comme véritable cheffe de la majorité.

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