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« Quarante ans après la Marche pour l’égalité et contre le racisme, reprenons la réflexion sur le travail policier »

Nous fêterons dans quelques semaines les quarante ans d’un événement aujourd’hui oublié mais qui résonne plus que jamais au regard des troubles vécus cet été après la mort de Nahel [tué le 27 juin à Nanterre (Hauts-de-Seine) par un policier].

Le 15 octobre 1983 partait d’une cité marseillaise, La Cayolle, un petit groupe de marcheurs appelé par un collectif né aux Minguettes, à Lyon. Les marcheurs protestaient contre la mort quelques jours plus tôt d’un enfant de 13 ans. Le collectif avait pour rassembleur un gosse des Minguettes, Toumi Djaïdja, lui-même gravement blessé lors d’un contrôle de police. Parti de La Cayolle, le groupe rejoignait la cité des Flamants où, trois ans plus tôt, un jeune de la cité, Lahouari Ben Mohamed, avait trouvé la mort lors d’un contrôle de police.

En quelques semaines, la Marche pour l’égalité et contre le racisme prit de l’ampleur, suscita un courant d’empathie profonde pour finir à Paris, le 3 décembre 1983, place de la République, en rassemblant plus de cent mille personnes.

Il est utile de rappeler aujourd’hui le bilan de ce rassemblement et des revendications qu’il portait, comme son cadre émotionnel. Il y avait de la colère à l’initiative du mouvement, de la rage même face aux exactions d’une police où commençaient à sévir quelques rois de la gâchette.

Mais cette colère a débouché sur un mouvement qui se réclamait d’un pacifisme actif, et visait d’emblée des revendications et une construction politique. Il y avait là une demande de mesures politiques concrètes, qui allait être entendue dans le cadre de ce qui deviendrait les politiques de la ville, dotées de leur propre ministère. Des politiques finalement jetées à la trappe, et surtout dont on a oublié à quel point la question éducative y était centrale (création des zones d’éducation prioritaire, des mesures d’accompagnement scolaire, etc.).

Démocratie d’apartheid

Deux revendications qui étaient au cœur du mouvement n’ont jamais été entendues.

La première concernait le droit de vote des étrangers aux élections locales. Donnant raison aujourd’hui à ceux qui voient au cœur même de l’Etat persister une fibre postcoloniale, la mesure fut très vite rangée au placard des promesses électorales jamais tenues.

On en mesure aujourd’hui les conséquences dans l’ordinaire politique des quartiers : non seulement peu de leaders et de notables politiques sont issus des « quartiers », mais ils ne portent pas non plus la colère et la rage dormante des jeunes. Il est révélateur de constater aujourd’hui qu’aucune carrière politique véritable ne s’est construite dans le mouvement, dont la plupart des participants sont tombés dans l’oubli ou ont suivi d’autres voies professionnelles que celles du politique. C’est, dans l’histoire longue de la politique française, une exception remarquable.

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