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Carsten Jensen, écrivain : « On ne peut plus exister sur cette terre. A moins de changer radicalement de mode de vie »

Imaginons que, pendant le Blitz, les Britanniques se soient déchirés sur la question de savoir si leur pays était en guerre contre l’Allemagne. Imaginons que certains aient argumenté de la sorte : « L’histoire est jalonnée de guerres, alors une de plus, une de moins. Ce genre d’événement se produit régulièrement. » Imaginons que d’autres aient tenu le discours suivant : « D’accord, une bombe nous tombe dessus de temps en temps mais ce sont des incidents isolés et sporadiques et il n’y a pas lieu de s’inquiéter. » Imaginons enfin que ceux qui appelaient à la résistance, à l’anticipation des risques et au rationnement se soient fait traiter d’alarmistes qui ne faisaient que démoraliser la population, et, pire que tout, effrayer les enfants. « Allons, leur auraient rétorqué leurs adversaires, ce ne sont que des bombes. »

Ce scénario n’est pas plus aberrant que le discours que nous tenons aujourd’hui sur l’urgence climatique.

Alors que des millions de New-Yorkais sont contraints une nouvelle fois à se cloîtrer chez eux en raison de la fumée des feux de forêt d’une ampleur historique au Canada, qui envahit le ciel de leur ville, beaucoup se contentent de hausser les épaules : « C’est normal que les forêts brûlent de temps en temps. N’est-ce pas la nature qui veut ça ? »

Alors que la température à la surface de l’Atlantique au large de l’Irlande et de la côte ouest de l’Ecosse est supérieure de 5 °C à la normale, beaucoup se font une réflexion identique : « Enfin une température idéale pour se baigner. Si c’est ça le réchauffement climatique, on veut bien. »

Apathiques militants

Et, début juillet, alors que des records de chaleur étaient battus un peu partout dans le monde et que le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, Antonio Guterres, parlait d’« un changement climatique hors de contrôle », beaucoup ont objecté : « Chez moi, il n’a pas fait si chaud que ça. Je n’aurais pas dit non à quelques degrés de plus. »

Lorsque les émissions mondiales de CO2 ont de nouveau augmenté l’année dernière, on a entendu le même son de cloche : « Oui, mais on veut profiter de la vie et manger un bon steak de temps en temps. Les climatologues ne vont quand même pas nous dire ce qu’on peut manger ou pas. On a le droit d’exister sur cette terre ! »

La question est là. Le réchauffement climatique est une réalité. On ne peut plus exister sur cette terre. A moins de changer radicalement de mode de vie.

On qualifie volontiers de climatosceptiques ceux qui banalisent l’effet de la hausse des températures. Je les considère plutôt comme des apathiques militants, car qu’est l’apathie sinon le fait de lever les bras au ciel, même devant un danger imminent ?

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