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La mousson, un phénomène climatique en plein dérèglement

Retrouvez tous les épisodes de la série « Les pulsations de la Terre » ici.

Kisna et Alka scrutent le ciel avec désespoir. La voûte céleste, d’un inlassable blanc laiteux, ne présage pas de la moindre goutte de pluie avant longtemps. Et pourtant, jour après jour, ce couple de paysans épuisés du Maharashtra, au centre de l’Inde, va attendre les nuages et croire à la germination des graines semées sur leur maigre parcelle. Il y va de leur survie. Comme leur voisin fermier qui a préféré mettre fin à ses jours, ils ont les usuriers aux trousses, prêts à saisir la maigre récolte qu’ils finiront par obtenir, après avoir emprunté plus que de raison pour acquérir des engrais.

Leur histoire est le scénario d’un film, Gabhricha Paus, sorti sur les écrans du sous-continent en 2009, puis en France, sous le titre Maudite pluie !, en 2011. Satish Manwar, son réalisateur, a voulu raconter l’impact du changement climatique sur l’agriculture en Asie du Sud. « La mousson a changé depuis mon enfance, et j’ai l’impression que personne n’en prend encore la mesure, explique le cinéaste de Bombay, âgé de 48 ans. Les prévisions ne sont plus du tout fiables et, pendant le tournage, j’avais beau avoir les yeux rivés sur la météo, rien ne s’est passé comme prévu. Il ne devait pas pleuvoir et en fait, on a eu des averses dès le premier jour. Pour un film sur la sécheresse, la catastrophe ! »

La mousson n’est plus ce qu’elle était. Imprévisible, erratique, avare durant des semaines, puis soudainement déchaînée pendant un court laps de temps. Elle ose contredire l’Ancien Testament : « Le vent se dirige vers le midi, tourne vers le nord ; puis il tourne encore, et reprend les mêmes circuits (…). Ce qui a été, c’est ce qui sera, et ce qui s’est fait, c’est ce qui se fera, il n’y a rien de nouveau sous le soleil », dit l’Ecclesiaste (1, 6-9).

Installé pour sa retraite à Pune, à trois heures de route de Bombay, Rajan Kelkar en convient, « l’arrivée de la mousson est le seul événement aussi certain et imprévisible que la mort ». Ce scientifique, qui a dirigé de 1998 à 2003 le service météo national, l’India Meteorological Department (IMD), rappelle que le phénomène est d’abord « une célébration de l’esprit dans lequel toute la population se rassemble avec joie et espoir ».

Le mot « mousson » vient de l’arabe. Il signifie « les vents qui tournent », « saison des vents favorables à la navigation ». Des pièces de monnaie retrouvées par des archéologues au Kerala en témoignent, les marchands en ont profité durant des millénaires pour le commerce. « Sous l’Antiquité, les bateaux du Moyen-Orient arrivaient en Inde portés par les vents de la mousson venant du sud-ouest à partir du début de l’été. Ils s’établissaient chez nous durant quelques mois, négociaient des épices, puis s’en retournaient chez eux quand le vent tournait nord-est, en septembre », explique M. Kelkar.

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