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Canicule : les jet-streams, ces forts vents d’altitude qui pourraient favoriser les épisodes de chaleur

Retrouvez tous les épisodes de la série « Les pulsations de la Terre » ici.

Ce samedi 5 mai 1945 promettait d’être une belle journée de printemps pour le révérend Archie Mitchell, sa jeune épouse enceinte, Elsie, et cinq enfants de la paroisse de Bly (Oregon) qui les accompagnaient pour un pique-nique en forêt. Tandis qu’il gare la voiture à Leonard Creek, sur la Gearhart Mountain, l’attention de sa femme et des écoliers, déjà égaillés dans la nature, est attirée par un curieux objet apparemment tombé du ciel. Son explosion soudaine, à peine ont-ils entrepris de le manipuler, tue sur le coup Elsie Mitchell, Jay Gifford, Edward Engen, Dick Patzke, Joan Patzke et Sherman Shoemaker, laissant le pasteur Mitchell seul survivant.

L’opération « Fugo » venait de faire les premières et seules victimes de la seconde guerre mondiale sur le continent nord-américain. Tuées par l’un des quelque 9 000 ballons-bombes lancés de la côte est de l’île japonaise de Honshu, conçus pour survoler le Pacifique avant de larguer sur les Etats-Unis leur cargaison incendiaire et explosive.

Ces engins avaient pour moteur une arme secrète, connue alors des seuls savants et militaires japonais : les jet-streams, ces puissants vents de haute altitude parcourant la planète généralement d’ouest en est. Des courants qui, début 2023, ont de nouveau véhiculé de mystérieux ballons, chinois cette fois, au-dessus des Etats-Unis. Des vents impétueux « qui conditionnent la météorologie au jour le jour sur l’ensemble du globe », rappelle Robert Vautard, directeur de l’Institut Pierre-Simon Laplace (IPSL), dont les chercheurs se demandent s’ils ne pourraient pas devenir plus menaçants pour les activités humaines en raison du réchauffement de la planète. L’Europe serait potentiellement plus vulnérable face à des situations de blocage catastrophiques de systèmes météorologiques sur une même région – canicules estivales, comme les dômes de chaleur infernaux de cet été, mais aussi inondations hivernales – liées à un jet-stream altéré par le changement climatique.

Premières études en espéranto

Mais, en 1945, la science des courants-jets n’en est encore qu’à ses balbutiements. Et pour cause, leur découvreur, le météorologue Oishi Wasaburo (1874-1950), directeur depuis 1919 du laboratoire aérologique de Tateno (aujourd’hui Tsukuba), est aussi directeur de l’Institut japonais d’espéranto. A ce titre, il met un point d’honneur à ne publier ses travaux que dans la langue « universelle » inventée à la fin du XIXe siècle par Louis-Lazare Zamenhof. Les 1 246 pages de ses dix-neuf rapports publiés entre 1926 et 1944 sont rédigées dans ce sabir, y compris son Raporto de Aerologia Observatorio de Tateno de 1926, où sont consignées les premières observations des forts vents d’ouest d’altitude en hiver au-dessus de sa station aérologique. Comme les suivantes, elles resteront ignorées de ses confrères occidentaux.

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