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L’androsace du Dauphiné, alpiniste menacée

Androsace du Dauphiné, sur le rognon rocheux du glacier de la Girose (Hautes-Alpes), le 7 juillet 2023.
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Jusqu’à peu, l’androsace du Dauphiné n’avait pas d’existence officielle. Du moins la prenait-on pour une autre, l’androsace pubescente, à qui elle ressemble à s’y méprendre. Mais la génétique a tranché et, en 2021, cette primulacée a accédé au rang de nouvelle espèce. Avec l’androsace de Saussure et l’androsace du Viso, ce sont trois nouvelles plantes alpines qui ont, tout récemment, fait leur entrée dans le grand club des espèces vivantes. Un fait devenu rare pour la flore européenne, aujourd’hui largement explorée… à l’exception des milieux de haute altitude.

Car l’androsace du Dauphiné fait partie de cette flore des montagnes qui se joue du vertige : elle s’accroche aux falaises, se loge dans la moindre fissure verticale, fréquente les sommets escarpés et les fronts des glaciers… Elle est chez elle au-delà de 2 500 mètres, culminant jusqu’à 3 800 mètres, voire 4 100 mètres pour sa jumelle l’androsace de Saussure. Rares sont les plantes qui, en Europe, côtoient des cimes aussi élevées. Les chercheurs qui l’ont dénichée ont le goût de l’alpinisme autant que de la botanique, et ont su porter un autre regard sur ces écosystèmes aux conditions extrêmes, perçus jusqu’alors comme des déserts biologiques.

Pour survivre, cette plante, endémique des massifs des Ecrins, de Belledonne et des Grandes Rousses, a su se faire discrète, sobre et autonome. Elle pousse en petits coussins denses, d’où émergent, au cœur de l’été, des fleurs blanches minuscules. Celles-ci sont pollinisées par les rares insectes de passage, des mouches, des papillons, et peut-être même, fait inédit dans le monde floral, des acariens. Sa forme en demi-sphère lui procure un volume maximal pour un minimum de surface en contact avec l’air. Une stratégie efficace pour s’isoler, la différence de température pouvant dépasser 20 °C entre la surface et l’intérieur du coussin.

Témoin immobile

Mais l’androsace pousse plus loin encore son ingéniosité, fabriquant par tous les moyens son propre micro-environnement : germant dans un univers minéral, elle crée son propre sol en piégeant et en recyclant sa matière organique. Ainsi, le coussin se nourrit lui-même, et s’hydrate en retenant l’eau. A ce rythme, avec un cycle de vie et des processus biologiques au ralenti, elle peut vivre plusieurs siècles, témoin immobile de l’évolution des montagnes.

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Or, depuis quelques décennies, cette évolution s’accélère. Le changement climatique aura-t-il raison de l’androsace, avec son lot de nouvelles menaces : pics de chaleur, sécheresses, réduction du manteau neigeux qui isole du froid et hydrate au printemps, remontée de nouvelles espèces plus compétitrices qui profitent des températures douces ? A court terme, cette plante pourrait gagner de nouveaux habitats, libérés par la fonte des glaciers. Ou bien trouver refuge dans les microclimats froids dont regorge la haute montagne, dans les plis de ses reliefs, ses ombres, ses faces nord… Mais, à plus long terme, les conditions climatiques risquent de lui devenir franchement hostiles.

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