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Georges Pompidou et Pierre Paulin, le normalien hédoniste et le designer misanthrope

Retrouvez tous les épisodes de la série « Un président, un artiste » ici.

Au soir de sa vie, dans les replis rudes et sauvages des Cévennes, Pierre Paulin (1927-2009) rechigne à évoquer le mobilier « Elysée » qu’il a dessiné pour Georges Pompidou dans les années 1970. Trop vieillot, trop bourgeois, juge le designer, aussi rugueux que ses meubles colorés sont doux et rassurants. « J’ai rempli avec compétence et adresse mon contrat, mais dans un style un peu prétentieux, s’autoflagelle-t-il huit ans avant sa mort, devant les autrices du livre Paulin (Dis Voir, 2001), Elisabeth Vedrenne et Anne-Marie Fèvre. C’est de la déchéance luxueuse. »

Maïa Paulin, 81 ans, son épouse et son associée pendant quarante ans, que Le Monde a rencontrée dans leur repaire de La Calmette (Gard), n’est pas de cet avis. Elle connaît les grincements de son mari, son irrémédiable insatisfaction, sa droiture aussi. Elle a tout archivé d’une carrière qu’elle veut faire rayonner. « Paulin avait coutume de dire qu’il avait été méprisé par la France et que ce pays n’avait pas les industriels et éditeurs de meubles à la hauteur de son talent », témoigne l’historienne du design Anne Bony, qui l’a longuement interviewé en 2006. Une amertume incompréhensible à ses yeux. « C’est un très grand designer, un génie de formation classique dont les sièges Dos à dos et Face à face sont de brillantes réinterprétations de meubles anciens, la boudeuse et la conversation », relève cette autrice.

Benjamin Paulin, qui a hérité de son père un visage de patricien auréolé de boucles, et sa femme, Alice, s’emploient, eux aussi, avec leur maison d’édition Paulin Paulin Paulin, à prolonger l’œuvre paternelle. Dans leur vaste demeure parisienne, qui tient du showroom, ils sont intarissables, pointant le détail d’un fauteuil rembourré, ou l’assemblage astucieux d’une chaise en aluminium. Depuis des années, cette famille unie milite pour que l’aménagement complet de l’Elysée soit restauré et réinstallé. Un juste hommage au tandem improbable qu’ont formé Paulin et Pompidou, le designer misanthrope et le normalien hédoniste.

La vitrine d’une « qualité France »

Paulin n’a pas été l’intime de l’ancien président, comme le fut le peintre Pierre Soulages. Entre eux, point de correspondance nourrie, à l’égal de celle entretenue entre le chef de l’Etat et le peintre Georges Mathieu. Les Pompidou ne l’ont pas convié à leur domicile sur l’île Saint-Louis ou dans leur maison de Cajarc, dans le Lot. Le designer lui-même admet volontiers qu’il n’a pas eu de rapports très personnels avec le président, « un personnage magistral, davantage que Mitterrand », confiait-il. Aucun artiste pourtant n’a mieux servi que lui l’ambition artistique et politique de Pompidou.

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