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La viande, un clivage politique français

L’ancien président de la République Jacques Chirac, alors candidat du Rassemblement pour la République à la mairie de Paris, le 27 janvier 1977, à Paris.

Il n’est pas si lointain le temps où Roland Barthes écrivait, dans ses Mythologies (Seuil), en 1957 : « Comme le vin, le bifteck est, en France, élément de base, nationalisé plus encore que socialisé ; il figure dans tous les décors de la vie alimentaire. » Pourtant, si la viande, rouge en particulier, reste peut-être « dans tous les décors », elle n’est plus une évidence. Longtemps vue comme garante de bonne santé, en excès, elle est désormais pointée du doigt. Et critiquée au nom de la lutte contre le changement climatique.

Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, la France, c’est certain, devra manger moins de viande, une baisse variant de 20 % à 70 % selon les scénarios. Même la Cour des comptes, gardienne des finances publiques, préconisait, en mai, de diminuer le nombre de vaches en France pour tenir les engagements climatiques nationaux.

Si l’appareil de l’Etat s’empare du sujet, en politique, rares sont ceux qui se risquent à critiquer la consommation de viande en France, deux fois supérieure à la moyenne mondiale. Trop peur d’être accusés d’« emmerder les Français », selon la formule du président Georges Pompidou, sur un aliment aussi chargé symboliquement. Une partie de la gauche s’en saisit, certes. Il y a les abolitionnistes, comme Aymeric Caron, député (Révolution écologique pour le vivant) de Paris, membre du groupe La France insoumise à l’Assemblée nationale. La députée écologiste de Paris Sandrine Rousseau, aussi, chacun avec leurs arguments.

Mais le reste des responsables politiques y va avec des pincettes, quand ils ne s’engagent pas, au contraire, dans un créneau inverse, celui de la défense de la viande. Bruno Le Maire, en mai, a visité une usine de merguez végétales et autres produits de substitution ultratransformés. Non sans donner des garanties d’amour à la vraie viande : « J’adore manger un bon steak et je n’aime pas les ultras qui disent qu’il faut arrêter complètement la viande. » Après avoir mené, en 2022, sa campagne présidentielle autour de la viande, avec visite d’une école de boucherie et défense de la place de la « bonne viande » dans le repas français, le communiste Fabien Roussel a mis en avant, cet été, d’autres marqueurs d’authenticité populaire : il s’est filmé attablé dans son camping corse, préparant une salade de hareng.

« Mode de vie à la française »

Un peu comme la voiture, la viande est désormais au cœur d’un conflit culturel d’autant plus sensible qu’il touche aux modes de vie. « Sur la viande, j’assume de mener une bataille culturelle, déclare Sandrine Rousseau, c’est le geste individuel le plus efficace et le plus facile que l’on puisse faire pour réduire son bilan carbone. Que l’on soit rural ou urbain, dans une famille monoparentale ou pas, tout le monde peut le faire. » Malgré des arguments sanitaires, scientifiques, la résistance est là. « On ne peut pas prétendre que la lutte contre le réchauffement est consensuelle comme le prétendent certains, au moins j’arrive à mettre cette résistance en lumière », poursuit la députée.

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