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« Il y a toujours des résistances, mais plus personne ne dit qu’il faut manger beaucoup de viande »

Fabien Roussel, candidat communiste à la présidentielle, visite l’école de Boucherie de Paris, en janvier 2022.

Professeur d’histoire médiévale, spécialiste de l’histoire de l’alimentation, Bruno Laurioux a codirigé les ouvrages Pour une histoire de la viande. Fabrique et représentations de l’Antiquité à nos jours (Presses universitaires de Rennes et Presses universitaires François-Rabelais, 2017) et Le Modèle culinaire français (Presses universitaires François-Rabelais, 2021).

Pour améliorer son bilan carbone, par souci du bien-être animal ou pour des raisons de santé, la consommation de viande se trouve de plus en plus questionnée. Est-on encore dans un âge d’or de l’alimentation carnée ?

Il y a dans l’histoire plusieurs moments de forte consommation de viande. La préhistoire dans sa période terminale, le paléolithique, en est une. Puis, à la fin du Moyen Age, les XIVe et XVe siècles sont des siècles carnassiers. Après un épisode de céréaliculture généralisée, on voit se développer l’élevage dans des pâtures qui augmentent en superficie, dans un moment de refroidissement climatique et de déclin démographique. Puis un nouvel essor démographique ramène, du XVIe au XVIIIe siècle, à une forte céréaliculture.

Au XIXe siècle, la consommation de viande va à nouveau augmenter, de manière ininterrompue, jusqu’à atteindre les quelque 80 kilos de viande consommés aujourd’hui par personne et par année en France. Au début du XIXe siècle, on mangeait 20 kilos de viande par an et par personne. Aujourd’hui, la tendance est à une baisse progressive, lente. Le dernier rapport de FranceAgriMer [l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer] montre une légère remontée, mais la tendance globale est à la baisse.

Si l’on voulait réduire de 75 % à 80 % notre consommation de viande, comme le préconisent certains rapports, on reviendrait donc au niveau du début du XIXe siècle ?

On en est encore loin, mais de plus en plus de gens déclarent manger moins de viande qu’auparavant. On observe aussi un reclassement des viandes. Le bœuf a beaucoup progressé du XIXe au XXe siècle, mais, depuis les années 1980, sa consommation diminue, tandis que celle du porc a augmenté depuis la seconde guerre mondiale, suivie par celle des volailles, deux catégories portées par le développement des élevages industriels. Le mouvement de diminution que l’on observe va se poursuivre. Bien sûr, il y a toujours des résistances, mais plus personne ne dit qu’il faut manger beaucoup de viande.

Mais cet aliment reste incontournable pour une majorité de personnes en France…

Il n’y a pas que des motivations nutritives derrière la consommation de viande, loin de là : des peuples entiers se passent de viande, d’autres encore ne mangent que cela. Des questions de statut, de représentation, entrent en jeu. La catégorie viande elle-même est une construction. En ancien français, viande est un terme qui désigne toute nourriture, ça veut dire « qui peut servir à la vie ». Le terme utilisé au Moyen Age est « chair » : chair humaine, animale, c’est plus concret.

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