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Charles de Gaulle et André Malraux : un écrivain à la droite du père

Retrouvez tous les épisodes de la série « Un président, un artiste » ici.

Vêtu de son impeccable uniforme d’été en toile beige, le général de Gaulle s’engouffre dans la voiture officielle qui sort du ministère des armées, rue Saint-Dominique, à Paris. Ce mercredi 18 juillet 1945, il vient de gagner, dès la première rencontre avec André Malraux, la partie qu’il a perdue avec l’écrivain catholique Georges Bernanos : « L’attacher à [son] char. » Peut-il deviner que c’est pour la vie ? Et que cette amitié sera profonde et réciproque avec l’écrivain engagé à gauche, Prix Goncourt 1933 pour La Condition humaine ? Devant son aide de camp, Claude Guy, l’homme du 18 juin s’écrie, quasi guilleret : « Il est fameux, votre Malraux ! », rapporte Christine Clerc dans De Gaulle-Malraux, une histoire d’amour (Nil, 2008).

Au-delà d’un coup politique génial, favorisé par une « conspiration » de son entourage, commence l’exceptionnelle relation d’un homme de pouvoir et d’un créateur. Il y en aura peu de cette trempe. « De Gaulle protège Malraux, dont il connaît toutes les faiblesses, et Malraux défend le Général en toutes circonstances », résume Christine Clerc. « Tous les rois de France ont eu leur artiste. Mais cette rencontre relève du coup de foudre. Ils réalisent la relation manquée entre Napoléon et Chateaubriand », abonde Alexandre Duval-Stalla, auteur d’une autre biographie croisée, André Malraux-Charles de Gaulle. Une histoire, deux légendes (Gallimard, 2008).

Puisque le premier dialogue entre les deux hommes s’est déroulé sans témoins, il faut bien se fier à la geste malrucienne des Antimémoires, livre publié en 1967 chez Gallimard, vingt-deux ans après les faits, pour en connaître la teneur. Au-delà, que veut savoir le Général, arrivé au pouvoir par la grande porte, celle de l’Arc de triomphe ? En juillet 1945, il a déjà donné le droit de vote aux femmes, nationalisé les usines Renault et Air France, créé les comités d’entreprise, la Haute Cour de justice (pour Vichy)… Il veut s’assurer que Malraux, qualifié naguère par la droite d’écrivain « bolchevique », ne penche pas vers les communistes.

La France, leur boussole et leur Graal

De l’homme Malraux, de Gaulle connaît déjà tout. Sa folle équipée en Indochine avec sa femme, Clara, en 1923, dans un temple proche d’Angkor pour découper à la scie des bas-reliefs afin d’arrondir leurs fins de mois – car il a ruiné sa riche épouse. Puis le soutien que cette dernière a réussi à obtenir, à Paris, d’écrivains comme Aragon, Breton, Mauriac, Gide, Paulhan ou Jacob pour éviter la prison à son mari. Au pays de la littérature, c’est une quasi-absolution ! De Gaulle, piètre amateur d’art mais grand lecteur, à la fois écrivain rentré et futur auteur de best-sellers, admire le souffle, l’immense culture et le style de cet autodidacte, dont les livres ont fait forte impression avant guerre : La Tentation de l’Occident (1926), Les Conquérants (1928), La Voie royale (1930) chez Grasset, puis La Condition humaine et L’Espoir (1937) chez Gallimard.

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