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Avoir 15 ans à Kramatorsk : l’éprouvant quotidien des adolescents ukrainiens en temps de guerre

Dans le centre de la dernière grande ville de l’Est avant la ligne de front, distante d’une vingtaine de kilomètres, Tymofi et Kyryl (les noms de famille ne sont pas précisés en raison de leur âge), 15 et 16 ans, tuent le temps, ce samedi 12 août, en sirotant des boissons gazeuses, assis sur des bancs. Les deux garçons sont graves et réservés. Sur la bande qu’ils formaient avec d’autres copains avant l’invasion déclenchée par la Russie, un an et demi plus tôt, il ne reste plus qu’eux. « On avait l’habitude de tous se retrouver dans le parc à côté, raconte Tymofi d’un air sombre. Aujourd’hui, on est les derniers. » Avoir 15 ans, dans une Ukraine ravagée par la guerre, c’est d’abord s’habituer aux absences.

A Kramatorsk, les adolescents continuent de vivre et d’essayer de mener une existence normale malgré les bombardements réguliers, la présence constante de militaires dans les rues, le couvre-feu à 21 heures et le départ de la majorité de leurs amis, réfugiés dans l’ouest de l’Ukraine ou à l’étranger. Avant l’invasion russe du 24 février 2022, la capitale de l’oblast de Donetsk, situé dans la région minière du Donbass, comptait 150 000 Ukrainiens. Beaucoup moins depuis.

Le long de l’artère principale d’un parc, Ivan et Bohdan, 15 et 16 ans, ont eux aussi vu tous leurs amis partir et ne pas revenir. « Il ne reste plus que lui », lâche Ivan, un garçon sec et nerveux, en désignant son ami d’un geste. Tous deux ont cessé de discuter avec leurs anciens copains, désormais installés ailleurs. « Nous n’avons plus les mêmes centres d’intérêt », commente simplement Ivan. La journée, pour gagner de l’argent de poche, ces adolescents travaillent dans des petits cafés. Le soir, ils se retrouvent pour discuter, faire des tours de vélo et jouer à des jeux vidéo.

Ivan (à gauche), 15 ans, et Bohdan, 16 ans, dans un parc du centre de Kramatorsk, dans le Donbass (Ukraine), le 10 août 2023.

Passé les premiers mois de l’invasion, certains habitants, alors réfugiés loin de la ligne de front, ont fait le choix de rentrer chez eux. Par attachement à leur ville ou pour des raisons économiques. Par fatalisme, aussi. Cela fait plus de neuf ans que la région est en guerre. Dès 2014, après la révolution proeuropéenne de Maïdan, un mouvement séparatiste ukrainien soutenu par Moscou avait embrasé les oblasts de Donetsk et de Louhansk. Puis, à partir d’avril 2014, la ville de Kramatorsk avait été contrôlée par ces forces entretenues par le Kremlin avant d’être récupérée par l’armée de Kiev, en juillet de la même année.

Devenir une cible à tout moment

Serhi, 16 ans, se souvient d’avoir passé des semaines dans un abri alors qu’il n’avait que 9 ans. « C’était effrayant », confesse aujourd’hui le garçon au visage fin, qui tient son vélo d’une main timide. Lui et son ami Arhip sont assis à la table d’un des rares cafés ouverts dans le centre-ville. Ils font partie de cette jeunesse qui grandit et s’accommode d’une vie devenue incertaine. « Parfois, on se retrouve en ville, dit Arhip, 16 ans aussi, le visage juvénile marqué par l’acné. Mais, généralement, on reste chez nous et on discute sur Discord. » Certains fréquentent aussi le skatepark de la ville. Avec les vacances scolaires, les classes en ligne se sont arrêtées.

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