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Dissolution de Civitas : « Faire des juifs de France des étrangers relève d’une falsification »

Les propos sur la « dénaturalisation » des juifs de France, tenus par Pierre Hillard [un essayiste complotiste et antisémite] au cours de l’université d’été de Civitas, témoignent de la persistance d’un maurrassisme que l’on espérait disparu. Ils susciteront, souhaitons-le, la dissolution annoncée de ce collectif qui déshonore le nom de « civitas », la citoyenneté en latin. Nul n’imagine sérieusement le retour au catholicisme comme religion d’Etat, ainsi que le souhaitent Hillard et ses sectateurs, mais ses propos contribuent à faire des juifs de France des étrangers. Aussi, considérons-les d’un point de vue historique, car ils relèvent d’une falsification. Contrairement à ce qu’affirme Hillard, les juifs n’ont pas été « naturalisés » en 1791 mais « émancipés ».

Revenons donc aux prémices telles qu’attestées par l’archéologie et l’histoire : des juifs vivent sur le territoire français depuis l’Antiquité. Ils ont probablement été présents dans le sud de la Gaule dès le début de la romanisation, avant même la diffusion du christianisme.

Si les archives de leur présence sont rares pour le haut Moyen Age, en revanche, des communautés juives existent sur tout le territoire au Moyen Age classique, comme en témoignent d’innombrables « rues aux juifs ». Ce que l’on sait moins, c’est que les Capétiens ont été les premiers souverains européens à les expulser : Philippe Auguste en 1182 – un siècle avant Edouard Ier d’Angleterre –, Philippe le Bel en 1306, Charles VI en 1394 – un siècle avant les Rois Catholiques en Espagne. Cet ostracisme pionnier et opiniâtre des rois de France, peu glorieux il est vrai, n’est guère enseigné.

Après ces expulsions avec leur cortège de spoliations, les juifs ne disparaissent pas pour autant : les papes les protègent dans leurs Etats français d’Avignon et du Comtat Venaissin.

Au milieu du XVIe siècle, Henri II autorise des juifs rhénans à se réinstaller en Lorraine après la prise de Metz, et fait de même sur la côte aquitaine avec les convertis persécutés par l’Inquisition fuyant l’Espagne et le Portugal. Enfin, en 1648, le rattachement de l’Alsace par le traité de Westphalie intègre en France une importante judaïcité n’ayant jamais été durablement expulsée de cette terre d’Empire.

Profond sentiment patriotique

C’est dire qu’à la veille de la Révolution on compte en France environ 40 000 juifs, répartis en quatre communautés : les juifs du pape, les Alsaciens, les Lorrains et les Aquitains, installés à Bordeaux et Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), mais aussi dans des bourgades comme Peyrehorade (Landes), Bidache ou La Bastide-Clairence (Pyrénées-Atlantiques). Sans omettre les juifs qui circulent dans le royaume en dépit de l’édit de bannissement de 1394. C’est pourquoi, le 27 septembre 1791, la Constituante ne « naturalise » pas des « immigrés », comme l’affirme Hillard : elle émancipe des sujets de non-droit sous l’Ancien Régime, en application de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

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