Le gouvernement « accélère la banalisation » du Journal du dimanche (JDD), ont déploré, dimanche 6 août, plusieurs responsables de gauche, en dénonçant l’entretien accordé par la secrétaire d’Etat à la ville, Sabrina Agresti-Roubache, à la première édition du journal sous la houlette de Geoffroy Lejeune, marqué à l’extrême droite.
« Le gouvernement Macron avalise le coup de force du JDD », a commenté sur le réseau social X (anciennement Twitter) le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, en ajoutant : « Leur conception de l’arc républicain est à l’aune de leurs intérêts. Ils en ont détruit le sens. »
« Honte à la ministre Sabrina Agresti-Roubache qui, en s’exprimant ce matin, dans le JDD, crache à la figure des journalistes qui ont fait 40 jours de grève, banalise et apporte sa caution politique à un nouvel hebdo d’extrême droite », a pour sa part déclaré la sénatrice socialiste Laurence Rossignol sur la même plate-forme.
« Une ministre macroniste ! Après avoir brillé par son silence sur la reprise en main du JDD par l’extrême droite, la Macronie accélère sa banalisation. Scandaleux ! », a abondé sur X Manon Aubry, eurodéputée La France insoumise.
Mme Agresti-Roubache est la première membre du gouvernement à accorder un entretien au JDD version Geoffroy Lejeune, venu de Valeurs actuelles. « Le pluralisme, c’est accepter la confrontation », fait valoir la secrétaire d’Etat dans les colonnes de l’hebdomadaire, publié dimanche pour la première fois depuis une grève historique de quarante jours.
Ambiance « surréaliste »
Plusieurs voix du Rassemblement national (RN) se sont félicitées de cette parution. « Bonne chance à Geoffroy Lejeune et à sa nouvelle équipe pour réveiller le JDD », a écrit l’eurodéputé RN Thierry Mariani. « Il était temps qu’un journal ose le dire », a commenté son collègue Gilbert Collard alors que la « une » est consacrée à la mort d’un adolescent de 15 ans poignardé le 22 juillet dans l’Eure. « Pourquoi ne parle-t-on pas de mon fils ? Parce qu’il ne vient pas d’une cité, mais d’une petite commune de 1 400 habitants ? », s’interrogeait récemment la mère de l’adolescent dans Le Figaro.
Critiqué par des internautes sur le choix de photos d’une marche blanche en hommage à un autre adolescent portant le même prénom tué dans un accident de la route dans les Landes en janvier, Lagardère News a répondu à l’Agence France-Presse avoir « fait le choix d’une photo de Une symbolique pour illustrer la détresse des familles face à l’atrocité », dont « l’insécurité routière (…) fait partie ».
Dans cette première édition surprise − elle était jusque-là annoncée pour la mi-août − qui compte 32 pages (soit vingt de moins que la précédente), des familles de victimes de meurtre cosignent une lettre ouverte à l’attention d’Emmanuel Macron pour réclamer plus de considération pour les victimes. Selon le quotidien Le Dauphiné, le texte a été écrit par la nouvelle rédaction du JDD qui a par la suite sollicité les familles.
Ce numéro « défend des belles causes (…) C’est un numéro qui ne marquera peut-être pas l’histoire de la France mais au moins l’histoire de la presse », a commenté M. Lejeune lors de sa première intervention publique sur Europe 1 (radio du groupe Lagardère, comme le JDD) dimanche. La parution s’est faite dans une ambiance assez « surréaliste » avec très peu de membres de la rédaction sortante mais de nombreux « bénévoles », proches de M. Lejeune ou employés de Lagardère News, selon le nouveau directeur de la rédaction
La majorité reste partagée
Sarah Kerrich-Bernard, secrétaire nationale du Parti socialiste, a plus généralement dénoncé le ton de la nouvelle formule : « Du populisme pénal qui récupère la douleur des victimes (…) La justice c’est la paix, pas la haine. Ce journal est devenu ce qu’il devait devenir : un torchon. »
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« L’extrême droite est une espèce envahissante, elle s’installe sur le terrain des autres, les conquiert, menace la biodiversité », a écrit la députée écologiste Sandrine Rousseau.
Face à la montée en puissance dans les médias du milliardaire Vincent Bolloré, autorisé début juin par Bruxelles à racheter le groupe Lagardère, propriétaire du JDD et de Paris Match, la majorité reste partagée. Dans un entretien à Ouest-France publié samedi, la ministre de la culture, Rima Abdul Malak, a évoqué « un risque de destruction » du JDD, tout en rappelant que « la presse d’opinion a le droit d’exister en France ». « Il n’appartient pas au gouvernement d’interférer dans la gestion des médias, quels qu’ils soient », avait de son côté déclaré mi-juillet la première ministre, Elisabeth Borne.
Le sujet sera au menu en septembre des Etats généraux de l’information annoncés par l’Elysée.