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« Welwitschia », la pionnière qui a tenté de faire une fleur

« Welwitschia mirabilis » montrant des cônes femelles dans le désert du Namib (Namibie), en juillet 2015.
Retrouvez tous les épisodes de la série « Plantes de génie » ici.

S’il existait un concours de beauté végétale, ses chances de devenir une Miss Univers vêtue de vert seraient probablement ténues. Avec ses feuilles rubanées affalées par terre, elle évoque quelque pieuvre monstrueuse échouée sur le sable, dans le désert du Namib, en Namibie et en Angola, seul endroit au monde à lui offrir refuge. Pour ne rien arranger, la demoiselle porte un nom improbable, Welwitschia mirabilis.

Cette drôle de créature pourrait pourtant nous donner des leçons de vie. Car malgré son allure informe, elle peut vivre plus de deux mille ans et survivre cinq ans sans recevoir la moindre goutte de pluie. Son anatomie aussi est un prodige. Elle semble porter des amoncellements de feuilles ? En réalité, ce ne sont que deux longues feuilles, qui se dilacèrent en lanières plus fines à mesure qu’elles poussent, à un rythme très lent mais continu.

Charles Darwin la comparait à un ornithorynque végétal. Cet E.T. s’apparente plutôt aux conifères, comme les cèdres et les sapins : c’est une gymnosperme, un groupe de végétaux apparus il y a 350 millions d’années – bien avant les plantes à fleurs.

« Fleur bisexuelle »

Comme tous les conifères, W. mirabilis possède des organes sexuels séparés, disposés sur des « cônes ». Un plant donné produit soit des cônes mâles, soit des cônes femelles. Très vite cependant, une singularité a intrigué les botanistes : ses cônes mâles, en plus de produire du pollen, portent quelques ovules stériles, ainsi que du nectar. Cette anomalie évoque « une tentative avortée d’inventer une fleur bisexuelle », s’émerveille François Parcy, généticien à l’université de Grenoble Alpes (CNRS-CEA-Inrae).

Surtout, elle aide à comprendre l’« abominable mystère » qui hantait Charles Darwin (1809-1882). Selon sa théorie de l’évolution, en effet, les espèces évoluent par étapes graduelles. Mais les plantes à fleurs défiaient ce modèle : leur apparition et leur diversification semblaient soudaines. Après avoir conquis la planète en un temps record, elles constituent aujourd’hui 90 % à 96 % de la biodiversité végétale terrestre ! Une écrasante domination, portée par deux innovations : la bisexualité de chaque fleur (qui rassemble, au cœur de ses corolles, les organes mâles et femelles) et leur alliance avec les pollinisateurs.

Que vient faire ici notre reine du désert ? Ceci : l’analyse de son ADN suggère que « l’abominable mystère » de Darwin n’était pas si monstrueux. En effet, « W. mirabilis était déjà outillée pour produire une partie de ce qui deviendra la fleur », explique François Parcy. Son génome recèle deux des trois gènes bâtisseurs de la fleur, qui commandent la formation des organes sexuels (étamine et pistil). Mieux : le fonctionnement hiérarchique de ces gènes était vraisemblablement déjà en place chez cette pionnière. Autrement dit, « les premières plantes à fleurs n’ont pas eu besoin de tout inventer », résume François Parcy.

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