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Alain Genestar : « Les journalistes du “JDD” n’ont pas gagné contre le capital »

Pendant douze ans, j’ai eu l’honneur de diriger Le Journal du dimanche [JDD]. J’y ai appris, très jeune, ce métier de directeur de rédaction que j’ai continué d’exercer à Paris Match durant sept ans puis, encore aujourd’hui, à Polka Magazine. C’est un métier très particulier, fait d’exigences, d’obligations et de rigueur : avoir à la fois, et en même temps, la confiance des actionnaires et de l’équipe rédactionnelle, puis l’entretenir ; veiller, dans les nombreuses décisions à prendre, au strict respect de la ligne éditoriale fondée sur des valeurs claires et partagées par tous ; tenir un budget. Un métier proche de celui du chef d’orchestre, qui conduit ses musiciens en suivant, librement, une partition. Les finances en plus.

Aux premiers jours de la grève des journalistes du JDD, j’ai tenu à leur exprimer mon soutien en leur adressant ce message un peu grandiloquent mais qui venait du cœur : « Un journal c’est comme un pays, il a une histoire ; cette histoire l’engage, tout comme elle engage son propriétaire, son directeur et son équipe rédactionnelle. » Ces lignes ont été complétées et signées par d’autres anciens directeurs du JDD ; et nous avons rappelé ensemble que les valeurs humaines et républicaines de notre ancien journal, largement ouvert à la pluralité des opinions, sont en opposition totale avec l’idéologie d’extrême droite. Le propos était sincère, le ton solennel, et le résultat… sans effet : Geoffroy Lejeune a été nommé directeur de la rédaction du Journal du dimanche le 1er août.

Le combat, il est vrai, semblait perdu d’avance, car par trop inégal. La seule victoire possible eut été qu’Arnaud Lagardère, face à l’opposition quasi unanime de la rédaction, renonçât à cette nomination ou que Geoffroy Lejeune, par élégance, refusât de l’accepter. Aucun des deux n’eut cette attitude.

Le droit et l’argent

Tout ce qui a été dit pendant ces longues semaines de mobilisation, les grands discours, les incantations des uns et des autres, les rencontres avec une ministre de la culture compréhensive et compatissante, n’aurait donc servi à rien. Sinon à confirmer une règle, qui en soit n’est pas scandaleuse : le droit, dans un pays dit justement « de droit », a toujours le dernier mot. Le droit mais aussi l’argent !

Sans cesse, tout au long de ce conflit, et notamment le soir de ce grand meeting en solidarité avec les journalistes en grève, le 27 juin, au Théâtre libre de Paris, organisé par Reporters sans frontières, j’avais en tête cette phrase que m’avait confiée, il y a quelques années, un ami banquier, à propos d’un tout autre conflit qui m’opposait, alors que j’en étais le directeur, au propriétaire de Paris Match, déjà Arnaud Lagardère, dont je perdis la confiance, et lui la mienne, car cela marche dans les deux sens. « On ne gagne jamais, me dit mon ami, contre le capital. » Il avait raison.

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