Après six semaines de grève et autant de numéros non parus, la rédaction du Journal du Dimanche (JDD) a mis fin à son mouvement social mardi 1er août. La société des journalistes (SDJ) du JDD a annoncé avoir signé un accord avec la direction de Lagardère News, mettant fin à quarante jours de grève.
« Pendant quarante jours, nous avons livré des batailles sur tous les fronts », a déclaré la rédaction du JDD, qui déplore qu’Arnaud Lagardère, PDG de Lagardère, soit « resté sourd à [leurs] revendications, dans un contexte de reprise du groupe par Vivendi ».
Le site du JDD doit reprendre son activité dès mardi, et la version papier du journal doit revenir en kiosque « à partir de mi-août », a précisé Lagardère dans un communiqué.
Olivier Faure ne répondra plus « aux sollicitations pour des interviews au “JDD” »
La gauche est solidaire de la rédaction du JDD. « Solidaire de votre grève pendant quarante jours », a publié sur X (Twitter), le premier secrétaire du parti socialiste (PS), Olivier Faure. « Solidaire pour modifier la loi en garantissant l’indépendance des rédactions », a-t-il ajouté. Le patron du PS a également prévenu qu’il ne « répond[rait] plus aux sollicitations pour des interviews au JDD », estimant que « le pouvoir de l’extrême droite, c’est la lâcheté de tous les autres ».
« L’intransigeance de la direction du JDD devant les revendications légitimes de la rédaction aura des conséquences lourdes et dangereuses pour la liberté de la presse », a déploré pour sa part le secrétaire national du Parti communiste, Fabien Roussel. Sur le même réseau social, la députée « insoumise » Raquel Garrido a déclaré : « Le combat des journalistes du JDD fut héroïque. Bolloré fait un usage despotique de son droit de propriété ». Selon elle, il faut « limiter le droit de propriété médiatique par la loi », car « nous n’avons pas d’autres outils que l’école et la presse déontologique pour être libres ». Côté écologiste, la députée Sandrine Rousseau a écrit : « Bravo pour votre ténacité. A l’Assemblée nationale maintenant de prendre le relais pour offrir aux rédactions un droit de regard et de veto. »
« Nous n’avons pas gagné »
La rédaction s’opposait depuis le 22 juin à la nomination à la tête du journal de Geoffroy Lejeune, venu du magazine d’extrême droite Valeurs actuelles et « dont les valeurs sont en totale contradiction avec celles du JDD ». Les grévistes demandaient d’« offrir aux journalistes des garanties d’indépendance juridique et éditoriale ». Il a réclamé « une refonte globale pour garantir le pluralisme ».
Dans la nuit de lundi à mardi, la rédaction a voté la fin du mouvement à 94 % – 82 voix pour, 5 contre. « Il nous coûte de le reconnaître (…) : si nous avons remis sur la place publique l’enjeu de l’indépendance des rédactions, face à notre actionnaire, nous n’avons pas gagné », poursuit la SDJ dans son communiqué. Malgré ce mouvement sans précédent, l’arrivée de M. Lejeune à la tête du journal a bien pris effet le 1er août.
Le collectif restera vivant au sein d’une association
« Aujourd’hui, Geoffroy Lejeune prend ses fonctions. C’est dans une rédaction vide qu’il entrera. Des dizaines de journalistes refusent de travailler avec lui et devraient quitter le JDD », annonce la SDJ. « L’accord prévoit la mise en place de conditions d’accompagnement pour les journalistes qui souhaiteraient quitter la rédaction », a confirmé le groupe Lagardère.
Les journalistes grévistes ont également déclaré : « Notre rédaction disparaît, mais un collectif puissant s’est formé. Il restera vivant au sein d’une association qui verra le jour dans les prochaines semaines. » L’objectif de celle-ci est de « défendre auprès des pouvoirs publics la nécessité d’une évolution du cadre législatif encadrant la presse » pour « garantir l’indépendance des rédactions et la protection des journalistes ».
La SDJ a par ailleurs remercié « tous ceux qui nous ont soutenus au cours de ce conflit long et éprouvant, qui aura permis de remettre la question de l’indépendance éditoriale au cœur du débat public ».