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Nick Brown, une vocation tardive contre le « bullshit » scientifique

Nick Brown.

« Avant l’âge de 50 ans, je n’avais jamais lu d’article scientifique. » Nick Brown, qui en a aujourd’hui douze de plus, s’est bien rattrapé : au fil de ses lectures, il a dégonflé nombre de baudruches scientifiques, épinglant des chercheurs de renom, au point de s’être fait une réputation dans le petit monde des « chasseurs de fraudes ». « On parle plutôt d’erreurs, c’est plus adapté sur le plan juridique », ironise cet Anglais malicieux, qui alterne understatement british et grands éclats de rire complices face à tout ce qui peut ressembler de près ou de loin à du « bullshit » scientifique, contre lequel son flair s’est affiné au fil des ans.

Nick Brown est d’autant plus libre dans ses critiques qu’il est un outsider, parti tôt en préretraite, et qu’il n’a « rien à craindre pour [s]a carrière académique », couronnée sur le tard par une thèse critique sur la psychologie positive, soutenue en 2019 à l’université de Groningue (Pays-Bas).

Informaticien de formation, il a travaillé dans ce domaine au Conseil de l’Europe, à Strasbourg, avant de passer en 2009 aux ressources humaines, responsable des formations. « Les gens qui les assuraient me semblaient étranges, dotés d’un certain charisme, utilisant des formules interchangeables, comme dans les horoscopes. Un pastiche de psychologie. » Sa curiosité est encore plus piquée quand il rencontre le psychologue et magicien britannique Richard Wiseman, qui lui parle du succès grandissant de la psychologie positive.

Pour en savoir plus, Nick Brown décide de s’inscrire en master de psychologie à l’université d’East London, et reste stupéfait lors d’un exposé en 2012 sur les travaux de Barbara Fredrickson (université de Caroline du Nord) et du consultant Marcial Losada, publiés dans l’American Psychologist. Ils établissent qu’un ratio supérieur à 2,9013 émotions positives pour une pensée négative est le gage d’une bonne santé mentale et d’accomplissement dans la vie. « Bizarroïde », pense aussitôt le polyglotte, qui ne tarde pas à trouver des failles dans les équations de la mécanique des fluides utilisées pour asseoir cette conclusion.

Il prend alors langue avec Alan Sokal, auteur en 1996 d’un retentissant canular publié dans la revue Social Text, qui n’y avait vu que du feu, acceptant un charabia mêlant « herméneutique de la gravité quantique » et révérence envers les auteurs postmodernes. Leur critique des hérauts de la psychologie positive, publiée en 2013, est dévastatrice. « Cela a eu un impact parce qu’il y avait Sokal, mais aussi un bonhomme qui n’avait même pas une maîtrise de psychologie, raconte l’intéressé. L’empereur était nu. »

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